29 mai, 2011

Dans le rapport du G8 à l’Afrique, le Sommet de Deauville prend des allures de sommet transitoire.


D’abord, au plan symbolique, en invitant en plus des traditionnels VRP du Nepad, des chefs d’État africain fraîchement et démocratiquement élus et des repentants des pouvoirs de transition en Tunisie et en Égypte ; ensuite en séparant l’aide à aide au développement du continent de l’aide de ces démocraties émergentes.
Peut-être ne s’agit-il que de transferts de fonds à partir d’un même compte d’aide ; sûrement que l’engagement connaîtra le sort habituel des promesses du G8 et qu’il ne sera que partiellement tenu. Mais la question n’est pas dans l’intention du G8 ; elle est dans son effet : à Deauville, il y avait deux Afrique, l’une faite de peuples et d’États reconnus et soutenus pour leur accès à l’âge démocratique, l’autre, politiquement désincarnée et perçue comme un ensemble invariablement au registre infamant de “l’aide au développement”.
On pourra toujours contester la sincérité de la position des pays riches et ce ne sont pas les arguments qui feront défaut.
C’est la première fois que les puissances occidentales s’alignent franchement sur les aspirations populaires auxquelles les dictatures, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient surtout, opposent des “résistances” sanglantes — comme en Libye, au Yémen, en Syrie et au Bahreïn — ou des répressions plus sournoises, comme au Maroc et en Algérie. L’intervention en Libye, que la Ligue arabe a été contrainte d’approuver, a marqué l’émergence d’une espèce d’ingérence humanitaire contre la répression des revendications politiques. Même si certains membres de la ligue en font la seule affaire de l’Otan.
En déclarant, dans son discours du 20 mai dernier, que “l’Amérique valorise la dignité du vendeur ambulant de Tunisie plus que le pouvoir brut du dictateur”, Obama a pris une position révolutionnaire à double titre : loin de s’engager à imposer la révolution démocratique, il entend appuyer les luttes pour la liberté dans ce dernier espace de prolifération de la dictature.
C’est cette retenue qui fait qu’on assiste à ce paradoxe : les royautés moyenâgeuses du Golfe participeront au financement des transitions démocratiques en Afrique du Nord.
En plein Sommet du G8, le message a ainsi été repris par le Premier ministre britannique : “Je veux que ce sommet débouche sur un message très simple et très clair, celui que les plus grandes puissances mondiales se sont réunies pour dire à ceux qui, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, veulent plus de démocratie, plus de liberté et plus de droits : nous sommes à vos côtés.”
Nous n’en sommes certainement pas encore à la situation où les valeurs conduisent les relations internationales. Mais à Deauville, l’image était frappante, côté invités : la légitimité démocratique le contestait à la représentativité institutionnelle traditionnelle. La collusion avec les puissances n’est plus la meilleure manière d’assurer sa “fréquentabilité”. Les pouvoirs de fait, mais ceux qui s’adonnent à des imitations électorales ne doivent pas trop se sentir à l’aise, quand évoluent, dans les mêmes forums, des homologues du même tiers-monde qui jouissent d’une légalité démocratique.

M. H.
musthammouche@yahoo.fr

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