26 mai, 2011

BURKINA FASO REN-LAC : La Douane, le service le plus corrompu

L’état de la corruption en 2008 et 2009, effectué pas le REN-LAC (Réseau national de lutte anti-corruption), fait ressortir que la Douane est le service le plus corrompu au Burkina. Lisez plutôt ce document de synthèse.

Pour l’enquête 2008, 69% d’enquêtés avaient fréquenté au moins une classe de l’enseignement primaire. En 2009, ils étaient 73% à avoir ce niveau d’instruction. Sur les deux années, l’âge moyen des enquêtés était de 38 ans. Durant la période 2008-2009, la perception des populations sur l’importance de la corruption est restée constante. La quasi-totalité des enquêtés, 98% en 2008 et 99% en 2009 trouvent que la corruption est fréquente ou très fréquente au Burkina Faso.

Plus de pots-de-vin versés en 2008

Parmi les enquêtés, 17% ont expérimenté personnellement la pratique de la corruption en 2008. Les pots-de-vin versés aux corrompus par les enquêtés ne sont pas négligeables : 82% ont indiqué avoir versé des sommes dont le montant variait entre 500 et 1 200 000 francs CFA. Le montant cumulé de la transaction financière entre corrompus et corrupteurs s’élève à 16 675 750 F CFA. En 2009, les montants des transactions variaient entre 500 et 3 000 000 F CFA et le montant total des pots-de-vin acceptés ou offerts directement par les enquêtés était de 14 927 350 F CFA. Si l’on fait une extrapolation à l’échelle de la population burkinabè, ce sont des milliards de francs CFA qui alimentent le circuit de la corruption. Pour les enquêtés, la douane, les impôts et la Police nationale restent en tête dans le classement des services perçus comme les plus corrompus en 2008.

En 2009, ce sont la Douane, la Police municipale et la Police nationale qui occupent les trois premiers rangs des services perçus comme les plus corrompus au Burkina Faso. Les enquêtés lors de ces deux sondages ont fait la différence entre les causes et les conséquences de la petite et de la grande corruption. En 2008, si la petite corruption était due à la cupidité et à la pauvreté des agents publics, pour 91 % des enquêtés, la grande corruption aurait pour principales causes, outre la cupidité, la soif du pouvoir des acteurs de la corruption (89%). Pour l’enquête 2009, l’urgence du besoin face aux longues files d’attente dans les services de l’administration publique, l’analphabétisme, l’ignorance du fonctionnement des services représentent les causes de la corruption active pour 96% des répondants. Quant aux causes de la corruption passive, elles comprennent les bas salaires, la cupidité, la vie chère, l’enrichissement illicite, l’impunité pour 86% des répondants.

Si la corruption des grands commis de l’Etat est alimentée par la cupidité, la recherche des honneurs, l’impunité pour 88% des enquêtés, la corruption des opérateurs économiques serait causée par la cupidité, la recherche maximum de profit et de faveurs (91,11%), la propension à la fraude et à l’incivisme, l’analphabétisme et l’impunité (9%). Les conséquences de la petite corruption citées en 2009, sont le dysfonctionnement de l’administration, l’accès limité des services publics aux pauvres. Pour la grande corruption, elle a pour conséquences, le sous- développement, la réduction des recettes fiscales et la mauvaise qualité des réalisations. Face à des cas de corruption passive, 40% des enquêtes en 2008 se déclarent prêts à rencontrer le chef de service de l’agent public pour le dénoncer ; 31% des répondants préfèrent recourir à des intermédiaires ou revenir une autre fois espérant tomber sur un meilleur jour ou sur un agent probe ; 29% sont prêts à "donner quelque chose" pour recevoir le service auquel ils ont droit gratuitement.

A ce propos, l’histoire relatée par cette femme lors de l’enquête 2008 illustre cette situation : "Je suis allée à l’hôpital avec mon enfant malade. Après la consultation, l’agent traitant m’a demandé 2500 francs CFA pour les produits nécessaires au traitement du malade tout en m’informant qu’en pharmacie, je débourserai au moins la somme de 7500 francs CFA. Au vu de l’état de santé de mon enfant, j’ai remis rapidement les 2500 francs CFA et les produits m’ont été servis sur place. Après cela, mon malade devait être hospitalisé et j’ai été confrontée à un problème de place pour l’hospitalisation. Un monsieur s’est approché de moi et m’a dit : " ici, avoir un lit n’est pas chose facile, mais je pourrais vous aider à trouver une place pour votre enfant à condition que vous soyez prête à me payer 1000 francs CFA ». J’ai payé la somme demandée et on a trouvé une place pour mon enfant. Je sais que cela n’est pas normal mais j’ai payé parce que je voulais la santé de mon enfant. »

Société civile et médias dynamiques, complaisance étatique

Une revue de la documentation a permis d’analyser l’état de la lutte contre la corruption selon l’action des acteurs étatique et non étatique durant la période 2008-2009. L’action des acteurs étatiques a été marquée par la poursuite de l’implantation des principaux organes d’information et de sensibilisation des populations sur la corruption ainsi que ceux chargés de réprimer les auteurs de celle-ci. Ainsi, des structures de lutte anticorruption créées en 2007 ont été rendues opérationnelles en 2008 : sont de celles-ci, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) dont le contrôleur général a prêté serment en juin 2008 et l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) dont les activités ont été lancées en juillet 2008.

La mise en place des structures de lutte contre la corruption a été présentée par le gouvernement comme l’expression concrète de sa ferme volonté politique d’endiguer l’expansion du phénomène dans le pays. Aussi, le chef de l’Etat, relayé par le Premier ministre, a saisi toutes les opportunités pour réaffirmer la volonté du gouvernement de lutter activement contre la corruption dans le pays. Des institutions ont rendu public leur rapport respectif durant la période. La Cour des comptes a rendu publics ses rapports 2006 et 2007 en décembre 2008 et son rapport 2008 en décembre 2009. Ces rapports ont une fois de plus révélé des malversations et des fautes de gestion dans les structures contrôlées.

L’ASCE a rendu public son rapport 2008 en mai 2009. Les malversations révélées aussi bien dans les rapports de la Cour des comptes que dans celui de l’ASCE sont venues confirmer l’ancrage de la mal gouvernance déjà dénoncée. L’espoir suscité par la publication de ces rapports est resté sans une réponse appropriée de la part du gouvernement et de la justice. Quant aux acteurs non étatiques, composés des organisations de la société civile comme le REN-LAC, la Coalition nationale contre la vie chère, l’impunité, la corruption, la fraude et pour les libertés (CCVC), ces organisations se sont illustrées dans la sensibilisation, la dénonciation et l’interpellation du gouvernement sur des cas de mal gouvernance et de corruption durant les années 2008-2009. Les médias aussi se sont beaucoup impliqués dans l’investigation et la dénonciation des faits et pratiques de corruption durant la même période.

En 2008-2009, c’est respectivement 39 et 20 articles d’investigation sur des cas de corruption qui ont été soumis au jury du Prix de la lutte anticorruption qui récompense chaque année les trois meilleures productions de la presse écrite qui dénoncent la corruption. Comme les précédents rapports, ceux de 2008 et de 2009 se terminent par des recommandations parmi lesquelles : l’intensification de l’information et l’éducation des citoyens, la relecture du document de politique nationale de lutte contre la corruption, le renforcement du dispositif législatif et réglementaire existant, l’accès aux informations et l’appui aux organes de presse qui se spécialisent dans l’investigation. Le défi que le REN-LAC va relever dans les années à venir est de renouer avec la régularité dans la production et la publication du rapport sur l’état de la corruption au Burkina Faso.

Le Réseau National de Lutte Anticorruption (REN-LAC) Tel : 50 43 32 83, tel vert : 80 00 11 22, site web : www.renlac.org.

Le Pays

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