27 mai, 2011

AFFAIRE DSK : L’indignation sélective des ONG africaines

Cela fait bientôt trois semaines que l’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, est sous les feux de la rampe, pour avoir tenté, dit-on, de violer Nafissatou Diallo. Depuis lors, Nafissa..., cette dame dont on dit qu’elle est belle comme une déesse, pieuse comme un ange et vertueuse comme Isis, cristallise sympathies et compassions. Que c’est noble et émouvant de se voir manifester tant de soutien dans un moment aussi préoccupant que celui dans lequel se trouve actuellement Nafissa, cette vénus dont le charme, à ce qu’on dit, éblouit, fascine et subjugue les hommes au point de leur faire perdre la raison.

Et, en pareille situation, les associations et ONG africaines de défense des droits de la femme ne se sont pas fait prier pour donner de la voix, en dénonçant un acte barbare et inacceptable. C’est tout à fait normal et logique, nous dira-t-on, parce que ces ONG sont dans leurs prérogatives. Chapeau bas donc aux défenseurs des droits de la femme et autres féministes africains qui, de près ou de loin, ont soutenu la présumée victime Nafissa... Solidarité africaine oblige.

Toutefois, on voudrait, non pas dans un but de provoquer l’esclandre, encore moins de prendre fait et cause pour un DSK dont le propre passé constitue un témoin à charge, s’interroger, un tant soit peu, sur l’opportunité de cette levée de boucliers, à grands renforts de diatribes, que mènent les ONG africaines de défense des droits de la femme. Pourquoi s’indigner tant dans une affaire encore floue dont la culpabilité de l’accusé n’est même pas encore établie, alors que devant nous, sont violées et massacrées à longueur de journée, des milliers de femmes innocentes ? Les exemples sont si légion qu’à vouloir les citer exhaustivement, on finira par en perdre l’haleine. En République démocratique du Congo, par exemple, où les viols ont pignon sur rue, les pauvres victimes, ne sachant plus à quel saint se vouer, ont fini par se résigner en créant une amicale.

On n’a pas entendu les ONG africaines s’indigner autant du sort de ces femmes bafouées dans leur amour-propre. Le cas récent le plus emblématique est celui de la Guinée Conakry où, sous l’ère du rodomont capitaine Moussa Dadis Camara, des soldats d’opérette avaient fait subir les derniers outrages à des milliers de femmes. Et rien que, lors des récentes manifs militaires au Burkina Faso, pays des Hommes intègres, de nombreuses femmes ont témoigné avoir été victimes de violences et d’exactions de tout genre ; et cela n’a pas suscité pareille indignation de la part de ces ONG africaines de défense des droits de la femme.

Certes, pour chacun de ces cas cités, elles s’efforcent de condamner les actes. Mais jamais elles n’avaient fait autant de bruit. Il y a, selon toute vraisemblance, une politique de deux poids deux mesures si l’on sait que dans le cas de DSK, il ne s’agit que de "tentative de viol" qui a provoqué tout ce tollé. L’expression a tout son sens, même s’il est vrai que d’un point de vue pénal, l’acte a valeur d’un crime. A l’analyse, on a l’impression que les ONG africaines de défense de la femme semblent se remettre à la vision selon laquelle, en Afrique, le viol est un acte banal rémissible, qui ne mérite pas d’être monté en épingle. Et que surtout, militer pour ces cas ne tombe pas dans l’oreille de bailleurs de fonds compatissants... C’est peut-être ce qui justifie cette indignation sélective.

Boundi OUOBA

Le Pays

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