09 avril, 2011

Tunisie: le désarroi des "blouses jaunes" de chez JAL

AFP
Tunisie: le désarroi des 'blouses jaunes' de chez JAL Tunisie: le désarroi des "blouses jaunes" de chez JAL © AFP

Vendredi, c'était jour de reprise chez JAL Tunisie, leader européen de la chaussure professionnelle avec 4. 500 salariés. Des employés avaient voulu "dégager" le patron le 24 mars. L'usine a aussi sec fermé ses portes pendant deux semaines.

Grèves, débrayages, sit-in, revendications du "tout, tout de suite": plus que jamais la Tunisie post-Ben Ali est confrontée à une exigence sociale, à trois mois d'élections cruciales et alors que la croissance sera voisine de zéro en 2011.

Dans les immenses ateliers de JAL saturés de bruit, les opinions des salariés qui s'expriment, témoignent du désarroi social. "On a eu vraiment peur que la fermeture soit définitive. On a des bouches à nourrir", dit Samir, un contremaître de 25 ans.

"Si j'ai repris, c'est que je n'ai pas le choix: c'est ça ou le chômage", lâche Mohamed, 37 ans, quinze ans de boutique et 350 dinars par mois (environ 170 euros).

Installé près de Bizerte, à environ 100 km au nord de Tunis, le gigantesque complexe de JAL sur 11 hectares, propriété du groupe italien Progressio, a une capacité de production de 40. 000 paires de chaussures par jour. Actuellement il n'en produit qu'environ 25. 000 pour des clients étrangers, français notamment (EDF, Renault), sous plusieurs marques.

Chez JAL, un des premiers employeurs privés et le 6e exportateur tunisien, il n'y avait pas de syndicats avant le 14 janvier, date de la chute de Ben Ali. Désormais l'entreprise en compte trois, un "acquis de la révolution, à l'initiative de la direction", assure le patron.

Depuis son arrivée en 2007, le jeune DG de 35 ans, Karim Marzouk, n'a pas souvent dû entendre les mots "négociation" ou "revendication". Alors quand fin mars des employés l'ont séquestré pendant six heures, il en a été pour une belle frayeur.

"Il y en a qui ont essayé de rentrer par les fenêtres, on a voulu m'agresser avec un tournevis. Sincèrement ça a été très dur", raconte-t-il à l'AFP dans son bureau où trône toujours un diplôme d'excellence de l'entreprise signé par Zine El Abidine Ben Ali.

Les propriétaires italiens qui ont racheté JAL en juillet 2010 à des fonds d'investissements américains, sont rapidement venus sur place pour calmer le jeu.

"On n'a pas menacé de fermer. En janvier, on a produit seulement 40% de ce qui était prévu. Après l'incident de mars, si on a encore une crise en mai, on peut se poser des questions réelles", avertit Karim Marzouk selon qui JAL est chroniquement déficitaire, avec un chiffre d'affaires annuel de 220 millions de dinars (110 millions d'euros).

"Nous avons, avant tout, besoin de sécurité et de stabilité pour attirer les investisseurs étrangers et aussi encourager les investisseurs tunisiens", affirme-t-il, tout en prônant des mesures libérales pour faire redémarrer la Tunisie.

"Il faut des mesures, notamment fiscales, pour encourager l'emploi et les investissements. Le discours (politique) est encore loin de la réalité socio-économique du terrain", dit-il.

Alors que selon le Premier ministre intérimaire Béji Caïd Essebsi, le pays compte "500. 000 à 600. 000 chômeurs" pour 10 millions d'habitants, le gouvernement a pris récemment des mesures socio-économiques, notamment des allègements de charges fiscales et financières pour les entreprises, pour tenter de relancer la machine.

Chez JAL, le salaire mensuel est de 300 dinars (environ 150 euros) quand on démarre "blouse jaune", celle des ouvriers. C'est la semaine de 48 heures, au taux horaire de 1,6 dinar (0,8 euro).

"Dans notre secteur, nous sommes concurrencés par les Asiatiques. On paye nos employés dans la moyenne tunisienne, un peu plus même", se défend M. Marzouk.

"Ca fait 12 ans que je travaille ici et je ne touche que 300 dinars (150 euros). Je ne veux pas d'augmentation tout de suite mais au moins pouvoir parler au DG de notre situation", affirme Foued, un ouvrier de 34 ans.

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