25 avril, 2011

Le futur budget de l'Union européenne devrait être gelé

PARIS (Reuters) - Paris, Londres et Berlin ont toutes les chances de remporter leur bataille pour imposer au futur budget européen de 2014 à 2020 une féroce cure d'austérité, au risque d'affaiblir la construction européenne.

La montée du sentiment eurosceptique, les coupes claires qui marquent tous les budgets nationaux laminés par la crise et un sentiment d'impuissance des autorités européennes face à ces phénomènes expliquent ce résultat, inéluctable pour les analystes.

La Commission européenne présentera le 29 juin ses propositions pour les "perspectives financières" de 2014 à 2020, donnant le coup d'envoi de négociations qui ont toujours tourné au psychodrame dans le passé alors que l'environnement économique était beaucoup plus favorable.

Avant même de connaître ces propositions, les pays qui contribuent le plus au budget de l'Union européenne, ont lancé un avertissement très clair aux autorités de Bruxelles.

En décembre, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande ont demandé que le budget européen soit stabilisé sur l'ensemble de la période 2014-2020.

En déplacement à Bruxelles le 14 avril dernier, le Premier ministre français François Fillon a enfoncé le clou.

"Nous demandons pour le budget européen le même effort que celui qui s'impose aux budgets nationaux, c'est-à-dire la stabilité des dépenses", a-t-il déclaré.

DÉFICITS NATIONAUX ABYSSAUX

Confrontés à des déficits nationaux abyssaux chez eux, les "contributeurs nets" de l'Union européenne entendent bien limiter au maximum les dépenses au niveau européen.

"Nous sommes dans une situation inacceptable au sens 'thatchérien' du terme", souligne en outre un haut diplomate français en faisant allusion au comportement de Margaret Thatcher qui, dans les années 1980, réclamait qu'on lui restitue "son argent".

Avec quelque sept milliards d'euros par an de contribution nette - la différence entre les versements et les transferts provenant de Bruxelles -, soit l'équivalent du budget français de la Justice, la France estime payer beaucoup trop.

Le commissaire européen au Budget, Janusz Lewandowski, a eu un avant-goût de ce qui l'attend en s'attirant un déluge de critiques lorsqu'il a présenté mercredi son avant-projet de budget pour 2012, en hausse de 4,9%, à 132,7 milliards d'euros.

"Il est vrai que nous sommes pris sous les tirs amis d'un certain nombre d'Etats membres", a-t-il ironisé.

Le phénomène est encore aggravé par l'augmentation de la méfiance vis-à-vis de l'Union, attestée par tous les sondages, et la montée des mouvements populistes antieuropéens.

En France, Marine Le Pen, qui a de bonnes chances de se retrouver au second tour de l'élection présidentielle en 2012 à en croire de récents sondages, fait campagne sur le thème de la sortie de l'euro.

Si les pays scandinaves comme la Suède et le Danemark n'ont jamais compté parmi les enthousiastes de la construction européenne, les Finlandais, bons élèves de la classe jusqu'à présent, ont envoyé un véritable signal de défiance vis-à-vis de l'UE lors des législatives du 18 avril dernier.

JAMAIS AUSSI DIFFICILE

Le Parti des Vrais Finlandais a obtenu 19% des suffrages et menace de bloquer les mécanismes européens d'aide financière aux pays en difficulté de la zone euro, comme le Portugal. Le Parlement finlandais doit se prononcer sur de tels plans.

En outre, les pays qui se succéderont à la présidence tournante de l'UE pendant la négociation, de juillet 2011 à la fin de 2012 (Pologne, Danemark et Chypre) risquent d'être débordés par les poids lourds de l'UE.

Pour couronner le tout, la France et l'Allemagne connaîtront des élections cruciales en 2012 et les Polonais iront aux urnes pendant leur présidence de l'Union.

"On n'aura jamais eu un débat aussi difficile sur les perspectives financières", prédit un diplomate polonais qui craint le pire. "On ne peut pas paralyser l'Union européenne dans un débat aussi dévastateur pendant deux ans."

Face à cette configuration pour le moins explosive, la Commission européenne tente de défendre ses arguments pour éviter de devoir gérer un budget réduit alors que les demandes de financement imprévues risque d'exploser, le "printemps arabe" et la crise de la dette obligeant les Européens à se mobiliser.

Ses fonctionnaires soulignent que seuls quatre pays sur 27 (Irlande, Portugal, Grèce et Espagne) ont gelé leurs budgets, tous les autres, dont la France, envisageant une hausse.

Ils insistent sur le fait que le budget européen ne représentent qu'un centième du PIB européen et qu'il est constitué de dépenses d'investissement, notamment les "fonds de cohésion" en faveur des régions pauvres (57 milliards d'euros en 2012), à égalité avec les dépenses agricoles.

PLUS DE DIRIGEANTS EUROPHILES

Les pays qui ont rejoint l'UE en 2004 estiment qu'un gel des dépenses de 2014 à 2020 représenterait une rupture de contrat, puisqu'ils sont entrés dans l'Union en échange de la promesse qu'elle les aiderait à rattraper leur retard structurel.

"Mais on est dans un contexte où les Etats membres vont plus que jamais oublier l'intérêt commun et vont regarder leur intérêt financier immédiat", estime un diplomate européen.

La Commission compte sur les divisions qui risquent d'apparaître entre les pays qui, comme la France, veulent maintenir une politique agricole puissante, et ceux qui, comme le Royaume-Uni, entend mettre les négociations à profit pour donner le coup de grâce à la Politique agricole commune.

La France et le Royaume-Uni sont également aux antipodes sur la "ristourne" britannique de plusieurs milliards d'euros obtenue par Londres sur sa contribution au budget.

Mais l'exécutif européen sait que les poids lourds de l'Europe finiront par se mettre d'accord - au pire en décidant d'octroyer une ristourne à tous les pays riches, dont la France.

Dans ce contexte, les responsables de la Commission reconnaissent qu'ils ne peuvent plus comme par le passé mettre la barre très haut dans l'espoir d'obtenir satisfaction sur une partie de leurs demandes et font preuve d'un certain fatalisme.

"Nous devons être responsables dans notre proposition et on sait que le budget restera à 1% du PIB", reconnaît un de ses responsables. "La génération des europhiles prêts à défendre le projet européen n'existe plus."

Edité par Marc Angrand

Reuters

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