12 avril, 2011

La lourde tâche d'Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire

Source AFP
La lourde tâche d'Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire

Alassane Ouattara a appelé ses compatriotes à "s'abstenir de tout acte de représailles et de violences". © Issouf Sanogo / AFP

Le président ivoirien Alassane Ouattara a pris mardi les rênes d'un pays à la dérive avec la mission immense de réconcilier une nation divisée et de rétablir la paix et la sécurité, au lendemain de l'arrestation de son rival Laurent Gbagbo. "Réconciliation", "retour à l'ordre et au calme", "espérance", les premiers mots, lundi soir, d'Alassane Ouattara après l'arrestation du président sortant, qui refusait depuis quatre mois de quitter le pouvoir, ont exprimé sa volonté de "tourner une page".

Lui faisant écho, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a estimé que la Côte d'Ivoire disposait désormais d'une "occasion historique" et devait promouvoir la réconciliation nationale, établir un gouvernement d'unité nationale et rétablir l'autorité de l'État, a rapporté son porte-parole. Ban Ki-moon a demandé à Ouattara - qui avait été reconnu internationalement comme le président élu après le scrutin du 28 novembre - d'éviter un nouveau "bain de sang" et des représailles à l'encontre des partisans du président sortant. Les quatre mois de crise ont fait au moins 800 morts, dont la moitié à Abidjan, selon l'ONU.

Catastrophe humanitaire

La bataille d'Abidjan a précipité la capitale économique, dont la population est évaluée à quatre millions d'habitants, au bord d'une catastrophe humanitaire, avec des quartiers livrés à l'anarchie et aux pillages de groupes en armes. "Nous avons de très vastes mouvements de population d'un quartier à l'autre, car aucun quartier n'est vraiment sécurisé", a déclaré lundi le coordonnateur humanitaire des agences de l'ONU et des ONG Ndolamb Ngokwey. "Il y a beaucoup de cadavres qui jonchent les rues, et pas seulement dans le quartier des ambassades", a-t-il dit, citant des témoins. La situation humanitaire est également très difficile à l'intérieur du pays, notamment dans l'ouest où les combattants des deux camps ont été accusés par l'ONU et des ONG d'exactions.

"J'en appelle (...) à tous mes compatriotes qui seraient gagnés par un sentiment de vengeance à s'abstenir de tout acte de représailles et de violences", a déclaré Alassane Ouattara, dans son premier discours télévisé, lundi. Il a dit vouloir mettre en place une commission vérité et réconciliation "qui fera la lumière sur tous les massacres, crimes et autres violations des droits de l'homme". Ban Ki-moon a salué cet appel à la création d'une telle commission, inspirée de l'Afrique du Sud, et promis la coopération de l'ONU pour l'avenir.

Reddition

Laurent Gbagbo, 65 ans, a été arrêté lundi à l'issue d'une offensive sur sa résidence à Abidjan. Au pouvoir depuis 2000, il s'est rendu vers 14 heures (heure de Paris) en compagnie de son épouse Simone après une offensive des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) d'Ouattara, grâce à l'appui décisif des puissants moyens aériens et blindés de la force française Licorne et de celle de l'ONU (Onuci). Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, a démenti mardi tout rôle direct des forces françaises dans cette capture. "L'ONU et la France voulaient le respect des résolutions du Conseil de sécurité, rien de plus rien de moins." Et "l'Onuci a été en tête. Ce sont les hélicoptères de l'Onuci qui ont commencé à bombarder, et la France, comme on nous l'a demandé, est venue en soutien", a-t-il précisé. Son collègue de la Défense Gérard Longuet a promis "des images de toute l'opération" qui montreront que les soldats français n'ont pas participé à l'interpellation de l'ex-président.

La chute de Laurent Gbagbo est une "bonne nouvelle" pour la dizaine de pays africains qui vont connaître des élections en 2011 et dont les résultats devront être respectés, a affirmé également Alain Juppé. Il a souligné que la France n'accueillerait "certainement pas" Gbagbo. Alassane Ouattara a annoncé le lancement d'une procédure judiciaire contre son ex-rival, son épouse et ses collaborateurs, assurant que "toutes les dispositions sont prises" pour assurer leur "intégrité physique". La télévision ivoirienne avait diffusé lundi des images de l'ex-président en bonne santé, mais visiblement fatigué, juste après son arrestation. D'autres images ont montré son épouse Simone, prostrée, l'air hagard.

Aide européenne

"Je souhaite qu'on arrête les armes et qu'on rentre dans la partie civile de la crise, et qu'on conclue rapidement pour que le pays reprenne", a dit Gbagbo dans de brefs extraits sonores, assis sur un lit dans une chambre du Golf Hôtel, ancien QG d'Ouattara, où il avait été emmené. Selon un membre des FRCI, ses premiers mots lors de son arrestation par des commandants pro-Ouattara auraient été : "Ne me tuez pas."

Le dénouement est intervenu au douzième jour de la bataille d'Abidjan, suite à des frappes intenses menées depuis dimanche par les hélicoptères de l'Onuci et de Licorne sur la résidence présidentielle, dans le quartier de Cocody (nord), et sur la présidence, dans le quartier du Plateau (centre). Laurent Gbagbo y était retranché depuis le 31 mars face à l'offensive des forces pro-Ouattara depuis le nord du pays. Ces raids aériens visaient officiellement les armes lourdes du camp Gbagbo menaçant les civils, conformément à la résolution 1975 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Les ministres européens des Affaires étrangères, réunis à Luxembourg, devaient promettre mardi au président Ouattara une aide économique à long terme pour reconstruire un pays menacé par le chaos

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