07 avril, 2011

DIRIGEANTS AFRICAINS : Une souveraineté à géométrie variable

Nombreuses sont les voix qui s’élèvent sur le continent africain pour dénoncer les interventions militaires étrangères qui ont cours dans certains pays. Si le principe de non-ingérence dans les affaires d’un Etat souverain sur lequel se fondent ces différentes condamnations est reconnu et défendu par tous, il n’en demeure pas moins que ces récriminations semblent faire fi du contexte dans lequel se font ces appuis armés. Pis, certains refus brillent par leur contraste avec le comportement réel de leurs auteurs. Les cas toujours d’actualité des conflits libyen et ivoirien sont édifiants.

Les chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) ont, de façon unanime, condamné l’opération "Aube de l’Odyssée" en Libye. Ils ont, ainsi, certes, observé la vertu de la solidarité si chère au continent. Mais là où le bât blesse, c’est le silence complice qu’ils ont observé quand les soldats de Mouammar Kadhafi tiraient à l’arme lourde sur la population libyenne aux mains nues. L’UA a également fait montre de timidité dans ses prises de mesures contre l’usurpation du pouvoir par Laurent Gbagbo, président sortant de la Côte d’Ivoire.

Si bien qu’il a fallu encore un soutien extérieur, en l’occurrence celui de la France et de l’Organisation des Nations unies, pour obtenir la reddition de l’essentiel des forces militaires pro-Gbagbo et mettre fin aux tirs aveugles contre les civils. Croyant épingler les dirigeants africains qui ont eu le courage de saluer cette action salutaire de la Licorne et de l’ONUCI, Jean-Marie Doré, ex-Premier ministre guinéen, s’est fait prendre dans son propre piège en évoquant l’esprit des pères fondateurs de l’Union. En arguant que de grandes figures africaines comme Kwame N’krumah, Amed Sékou Touré, Gamal Abdel Nasser et Julius Kambarage Nyerere n’auraient pas accepté ces formes d’immixtion dans les affaires africaines, l’ancien chef de gouvernement de la Guinée Conakry semble loyalement ignorer que ces mêmes icônes citées en exemple doivent leur renommée au fait qu’elles ne se sont jamais comportées comme Gbagbo ou Kadhafi.

Et quand M. Doré préfère toujours une solution africaine à ces problèmes, il fait sans doute la politique de l’autruche en feignant de ne pas se rappeler l’insuccès des nombreuses missions pacifiques entreprises. Les opposants à la participation des Occidentaux pour la libération des peuples africains en proie à la barbarie de leurs dirigeants auraient été pris avec plus de sérieux s’ils se comportaient eux-mêmes comme de dignes héritiers de leurs devanciers. Ils auraient dû ainsi faire en sorte que l’indépendance au nom de laquelle ils réclament le respect du droit de leurs pays à décider de leur propre sort soit une réalité. Et cette promptitude à rejeter l’interventionnisme des grandes puissances doit être accompagnée de propositions plus efficaces que celles ayant déjà échoué.

Car les Occidentaux ne se seraient pas invités dans leurs démêlés si les présidents africains étaient arrivés, au lieu de se préoccuper à étoffer leurs patrimoines familiaux, à assurer à leurs nations respectives une souveraineté alimentaire, sanitaire, éducative et économique. Les pays développés auraient eu moins de raisons de superviser des élections en Afrique ou d’imposer leur Plan d’ajustement structurel aux pays en développement si les têtes couronnées du continent noir étaient animées de la même dignité que ceux qui se sont sacrifiés pour libérer le berceau de l’humanité de l’oppression coloniale.

Toute autre attitude consistant à être toujours prêt à s’humilier devant les puissances mondiales pour demander l’aide et ensuite crier à l’envahisseur quand ces dernières voudront se rassurer de la conformité de l’utilisation de ces moyens avec leurs intérêts est indigne et hypocrite. Cette souveraineté à géométrie variable, dont veulent se servir cette race de chefs d’Etat pour conserver le pouvoir auquel ils sont accrochés comme des chauve-souris à une branche, ne sera jamais effective parce qu’utopique.

Juste PATOIN

Le Pays

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