27 mars, 2011

France 24-RFI : la cocotte-minute siffle

Par Emmanuel Berretta

Christine Ockrent l'annonce dans un entretien donné à nos confrères du Monde : elle porte plainte pour "harcèlement moral". Contre qui ? "Contre X". Mais les oreilles d'Alain de Pouzilhac, le P-DG de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), et de Jean Lesieur, le directeur de la rédaction de France 24, ont sifflé assez fort à la lecture de l'article. D'autant plus que la journaliste dépeint Jean Lesieur comme un homme qui souhaitait sa "décapitation". Problème : Jean Lesieur est son subordonné. Techniquement, il n'est pas possible de porter plainte pour harcèlement contre un subordonné. "Je m'étonne que quelqu'un qui se dit harcelé ne soit pas en mesure de désigner, dans sa plainte, les personnes qui le harcèlent, rétorque Jean Lesieur. Christine Ockrent n'a même pas la décence et le courage de son action. Elle porte plainte contre Monsieur X. Le seul Monsieur X que je connaisse, c'est Gaston Deferre* et il est mort."

En revanche, rien techniquement n'empêchait Christine Ockrent de porter plainte directement contre Alain de Pouzilhac, son P-DG, mais ce dernier aurait alors été fondé à l'écarter définitivement de l'entreprise compte tenu de cette action en justice. Or, Christine Ockrent ne veut pas démissionner et continue, bien que n'exerçant plus ses responsabilités, à percevoir son salaire (315 000 euros par an) et à jouir d'une voiture avec chauffeur. Tout compris, la journaliste coûte, au bas mot, 600 000 euros aux contribuables sans que l'Audiovisuel public extérieur puisse s'appuyer sur ses compétences. Une situation intolérable pour beaucoup. Un scandale tout simplement pour certains. La tutelle se montre en effet incapable de prendre une décision claire et nette.

Nicolas Sarkozy silencieux

Ockrent a subi un large rejet des managers de l'AEF, auquel s'ajoute un déni de confiance de la part de 85 % de la rédaction de France 24. Alain de Pouzilhac, qui lui reproche des fautes de gestion, ne souhaite plus entendre parler d'elle. Le Point.fr a tenté de contacter Christine Ockrent sans obtenir de réponse de sa part.

Pendant ce temps-là, Alain de Pouzilhac avance sur la réforme lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy. La fusion de RFI et de France 24 a enfin franchi l'étape du comité d'entreprise de RFI, jeudi 24 mars. Le déménagement des deux sociétés dans un siège commun à Issy-les-Moulineaux ne devrait plus connaître d'obstacle. La prise à bail du bâtiment a été validée par le fait que la CFDT a pris part au vote en s'abstenant, pour le plus grand courroux de l'intersyndicale (SNJ, CGT, FO...). Alain de Pouzilhac n'a plus qu'à acter la décision lors du conseil d'administration, le 31 mars. La grève illimitée à RFI s'est étiolée au fil des jours : 70 grévistes le 15 mars, ils étaient encore 46 le lendemain. Puis, le peloton s'est effiloché : 22 grévistes au troisième jour, 21 grévistes au quatrième jour, 6 grévistes au cinquième jour, 8 grévistes au sixième jour, 7 grévistes au septième jour. Le huitième jour de grève n'a connu aucun gréviste.

L'Élysée et Matignon sont, en principe, favorables à cette fusion et au déménagement qu'elle induit. Mais quelques parlementaires UMP s'adonnent à la palinodie. Christian Kert, un député UMP, lance, par exemple, l'idée d'un rattachement de France 24 à France Télévisions. Pourquoi ne pas y avoir pensé à la création de France 24 en décembre 2006 ? Le PS, quant à lui, profite de la situation pour flinguer une réforme voulue à l'origine par Nicolas Sarkozy. La réorganisation du bric-à-brac de l'Audiovisuel extérieur était son premier chantier audiovisuel en 2007. Trois ans et demi plus tard, Nicolas Sarkozy va-t-il renoncer au milieu du gué ? Va-t-il lâcher Alain de Pouzilhac ? Va-t-il trouver une solution pour solder l'épineux cas Ockrent ? Pour l'instant, dans cette affaire, le silence du chef de l'État commence à peser lourd.

* Jean Lesieur fait allusion à un événement politique de la campagne présidentielle de 1965 qui avait vu l'hebdomadaire L'Express lancer l'idée d'opposer au général de Gaulle un "Monsieur X", un candidat de l'opposition qui sera finalement Gaston Deferre.lepoint.fr

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