24 mars, 2011

Bahreïn: la minorité sunnite se radicalise face aux chiites

AFP/Archives

Des chiites défilent lors de funérailles d'un des leurs tué pendant une manifestation anti-gouvernementale, à Sitra près de Manama, le 20 mars 2011.

La minorité sunnite de Bahreïn, jusqu'à présent largement apolitique, s'est radicalisée face aux chiites lors du récent soulèvement, accentuant le risque de violences confessionnelles dans ce petit royaume du Golfe.

Les protestations à Bahreïn, matées la semaine dernière, avaient été déclenchées le 14 février dans la foulée des révoltes populaires en Tunisie et en Egypte, qui ont provoqué un mouvement pro-démocratique dans le monde arabe.

Mais la majorité chiite du royaume dirigé par une dynastie sunnite a, par ses appels à la chute de la monarchie, poussé les sunnites à la défensive et renforcé leur allégeance à la famille régnante des Al-Khalifa, de crainte d'une hégémonie chiite.

"Il y a eu une menace à l'existence même des sunnites", a déclaré cheikh Abdellatif al-Mahmoud, qui a contribué au lancement de la contestation sunnite face à la vigoureuse révolte chiite.

En février, cet éminent dignitaire qui dirige l'Assemblée de l'Unité nationale (AUN), de création récente, a parcouru les régions sunnites pour s'adresser à une population en colère et appelant ouvertement à déloger les protestataires de la place de la Perle, épicentre de la contestation à Manama.

"Il y a eu des appels (chiites) à suivre le modèle de l'Irak. C'est ce qui a troublé les sunnites", a déclaré cheikh Mahmoud à l'AFP, en référence à la montée en puissance des chiites en Irak au détriment des sunnites, après la chute du régime de Saddam Hussein.

AFP/Archives

Des chiites piétinent la photo du roi Hamad à Sitra, près de Manama le 20 mars 2011.

"Les sunnites ne sont pas devenus plus sectaires, mais la vérité est que les sunnites ont été choqués par le fanatisme exprimé par la plupart des chiites", a-t-il ajouté.

Le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled Ben Ahmad Al-Khalifa, a averti mercredi que la situation était "très dangereuse".

Bien que l'opposition a défendu des réformes que partageraient les sunnites, il est devenu évident que les chiites dominaient le mouvement de protestation notamment après que des groupes radicaux eurent appelé au renversement du roi.

"L'opposition a adopté une position agressive", a-t-il ajouté, affirmant que les chiites considéraient que la doctrine de Wilayat al-Fakih, appliquée en Iran et qui donne pleins pouvoirs au chef spirituel, "est la meilleure solution pour Bahreïn".

Les chiites de Bahreïn soulignent qu'ils appartiennent au monde arabe et que leur lien avec leurs coreligionnaires en Iran se limitait à la foi. Mais les sunnites admettent difficilement que l'Iran ne profiterait pas d'une influence politique accrue des chiites à Bahreïn.

"Après le 14 février, les sunnites se sont trouvés soudainement confrontés au risque d'une oppression confessionnelle si le régime venait à être renversé et les chiites prenaient le pouvoir", a expliqué Abdallah Hashem, membre de l'AUN, qui rassemble des groupes sunnites toutes tendances confondues, des islamistes aux libéraux.

L'opposition réclame des réformes constitutionnelles en vue d'un Premier ministre élu, mais les protestataires radicaux veulent transformer le royaume en république.

"Désormais, la communauté sunnite s'est radicalisée" et veut s'organiser en entité politique, indique à l'AFP M. Hashem, soulignant que les sunnites avaient été "marginalisés" pendant des décennies par le régime après avoir été les animateurs des troubles anti-gouvernementaux dans les années 1970.

"Le régime a toujours estimé que le danger proviendrait des sunnites, et non des chiites", ajoute-t-il en référence à la vague de nationalisme arabe qui avait menacé les monarchies du Golfe dans les années 1950 et 1960.

La famille des Al-Khalifa, au pouvoir depuis plus de 200 ans, a sans doute mis à profit la colère des sunnites, qui ont formé des groupes de vigilance pour défendre leurs quartiers lorsque les protestataires ont pris d'assaut le centre d'affaires de Manama en l'absence de la police.

Le député chiite Matar Matar admet "l'inquiétude des sunnites" qui a été cependant "énormément exagérée par le gouvernement", rappelant que "le peuple bahreïni veut partager partiellement le pouvoir avec la famille régnante".

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