07 février, 2011

Laetitia: la révolte des magistrats gagne tous les tribunaux

Une avocate sort d'une salle après la suspension d'une audience au palais de justice de Nantes où magistrats, greffiers et fonctionnaires expriment leur colère contre les déclarations de Nicolas Sarkozy, le 07 février 2011

PARIS (AFP) - Le mouvement de contestation des magistrats contre les déclarations de Nicolas Sarkozy mettant en cause la justice dans l'affaire Laetitia s'est étendu lundi à des dizaines de tribunaux où des reports d'audience ont été votés, une réaction qualifiée "d'excessive" par François Fillon.

En fin de journée, une cinquantaine de

tribunaux

avaient décidé de suivre le mot d'ordre de suspension des audiences non urgentes lancé par les syndicats de magistrats, selon un décompte effectué par l'AFP.

Des juridictions, comme Rennes, Bayonne ou Besançon avaient décidé dès vendredi d'entrer dans le mouvement. La plupart, tels Lyon, Bordeaux ou Metz, ont décidé lundi, lors d'assemblées générales de magistrats, de rejoindre la contestation.

Plus de cent AG au total étaient programmées d'ici la fin de la semaine, signe d'une "mobilisation sans précédent", selon Virginie Valton, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM). Même la Cour de cassation a prévu de s'exprimer.

Nicolas Sarkozy lors d'une table-ronde sur laprévention de la délinquance, à Orléans le 3 février 2011

Et dans certains palais de justice qui n'ont pas encore voté, comme au tribunal pour enfants de Bobigny, le premier de France, à Strasbourg ou Clermont-Ferrand, l'activité tourne déjà au ralenti.

La journée de jeudi devrait être le point d'orgue de la mobilisation avec une manifestation nationale prévue à Nantes et des rassemblements dans les régions.

Aux prises avec cette fronde inédite, François Fillon est intervenu pour la première fois, à l'issue d'une rencontre avec le ministre de la Justice, Michel Mercier, et celui de l'Intérieur, Brice Hortefeux. Il a qualifié ce mouvement de "réaction excessive" et appelé les magistrats "à la responsabilité".

Le juge antiterroriste Marc Trévidic, le 31 janvier 2011 à Paris

Il a affirmé craindre que cette révolte "ne puisse pas être comprise des Français.

Pour le Syndicat de la magistrature (SM), c'est le premier ministre qui "n'a pas pris conscience de l'ampleur du malaise", selon son secrétaire général adjoint Benoist Hurel. L'USM a dit être "écoeurée" par ces nouvelles déclarations.

Le 3 février à Orléans, le président de la République avait affirmé que des "dysfonctionnements graves" des services de police et de justice avaient permis la remise en liberté sans suivi de Tony Meilhon, principal suspect du meurtre de Laetitia Perrais à Pornic (Loire-Atlantique), promettant des sanctions.

Les magistrats nantais avaient réagi en interrompant les audiences et l'USM avait appelé à une extension du mouvement partout en France. Le SM a appelé à faire grève jeudi et vendredi.

"Cela fait des années qu'on dit qu'on n'a pas les moyens de fonctionner normalement, cela ne date pas de Nicolas Sarkozy", a estimé lundi le juge antiterroriste Marc Trévidic, qui préside l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI). Mais la différence, c'est que maintenant, "en plus, c'est de notre faute", s'est-il indigné.

Les syndicats de

magistrats ont reçu le soutien du Conseil national des barreaux, qui représente la profession d'avocat, et de nombreuses personnalités de l'opposition. A l'opposé, la majorité fait bloc derrière le président, estimant que les magistrats doivent "rendre des comptes".

Les policiers, également critiqués, sont divisés. Le syndicat SNOP (majoritaire chez les officiers) a dit qu'il serait présent à la manifestation de jeudi et Unité SGP-FO (1er des gardiens de la paix) a dénoncé les propos du président. Mais Synergie (2e syndicat d'officiers) et Alliance (2e syndicat de gardiens) ont refusé de se joindre à la fronde.

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