04 février, 2011

La colère des magistrats nantais fait tache d'huile après les déclarations de Nicolas Sarkozy

AFP
Des magistrats procèdent au renvoi de toutes les audiences, le 04 février 2011 au Palais de Justice de Nantes.
Des magistrats procèdent au renvoi de toutes les audiences, le 04 février 2011 au Palais de Justice de Nantes. Jean-Sebastien Evrard AFP

Le mouvement de protestation des magistrats nantais après les déclarations de Nicolas Sarkozy sur l'affaire Laetitia a fait tâche d'huile vendredi, avec un appel national à la suspension des audiences lancé par le principal syndicat de magistrats.

"Nous appelons à la suspension des audiences partout en France jusqu'au mouvement national prévu jeudi 10 février avec notamment une grande manifestation à Nantes", a déclaré à la presse Nicolas Léger, secrétaire national de l'USM, venu soutenir vendredi les magistrats nantais.

Le tribunal fonctionne depuis jeudi au ralenti, les magistrats n'assurant que les audiences urgentes pour protester contre les propos du chef de l'Etat évoquant des "dysfonctionnements" et des "sanctions" dans l'affaire Laetitia.

A Besançon, Quimper, Rennes, Bayonne, les magistrats ont également décidé de renvoyer toutes les affaires non urgentes jusqu'au 10 février.

Des assemblées générales sont prévues lundi à Nancy, Metz, Coutances (Manche), Caen. A Strasbourg, les magistrats auront une assemblée générale le jeudi 10.

Vendredi, les hauts magistrats de la conférence des premiers présidents de cour d'appel ont également exprimé leur "vive préoccupation devant la tentation de reporter sur les magistrats et fonctionnaires (...) la responsabilité des difficultés de fonctionnement" des tribunaux.

"Je n'ai jamais vu un état de mobilisation pareil. C'est inédit", a déclaré à l'AFP Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la Magistrature (SM, 2ème de la profession).

Côté policiers, la situation est plus contrastée. Les syndicats SNOP et Unité SGP-FO, respectivement majoritaire chez les officiers de police et premier syndicat des gardiens de la paix, ont dénoncé les propos du président de la République.

Mais Synergie (deuxième syndicat d'officiers) et Alliance (deuxième syndicat de gardiens) ont refusé de se joindre au mouvement. Les magistrats "tentent d'entraîner dans leur croisade (...) des policiers qu'ils méprisent", a dit Synergie dans un communiqué.

A Nantes, les magistrats ont apposé sur les portes d'entrée des salles d'audience le texte de leur motion de protestation, et ont tenu une réunion avec des représentants de toute la filière judiciaire (avocats, travailleurs sociaux, policiers...).

Ils examinent tout de même les affaires en rapport avec une détention et celles liées à la protection des personnes, notamment les mineurs.

Le procureur de la République Xavier Ronsin, en charge de l'affaire Laetitia, a ainsi prévenu que la grogne n'affectait pas l'enquête: "l'audition des parents biologiques, de la famille d'accueil, et de la soeur jumelle de Laetitia assistés de leurs avocats respectifs prévue lundi matin aura lieu tout à fait normalement et ne sera en rien affectée par le mouvement de protestation", a-t-il précisé dans un communiqué.

"Avec plus d'une centaine de dossiers dans mon cabinet, j'ai fait des priorités. Peut être viendra-t-on me le reprocher un jour ?", s'interrogeait une juge d'instruction de Rennes qui fait part, avec d'autres collègues, d'"un écoeurement profond".

En visite jeudi à Orléans, le chef de l'Etat a affirmé que les "dysfonctionnements graves" des services de police et de la justice, qui ont permis la remise en liberté du principal suspect du meurtre de la jeune Laetitia à Pornic (Loire-Atlantique), seraient sanctionnés.

Le ministre de la Justice, Michel Mercier, a déclaré vendredi que ces propos ne mettaient pas en cause les magistrats "dans leur globalité", lors d'une visite de la nouvelle prison de Corbas, près de Lyon.

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