21 février, 2011

Kadhafi pourrait avoir quitté la Libye et être en route pour le Venezuela

TRIPOLI (AFP)

AFP/LIBYAN TV

Capture d'écran de la télévision d'Etat libyenne montrant des manifestants présentés comme des supporteurs de Kadhafi dans le centre de Tripoli le 21 février

Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a déclaré en marge d'une réunion de l'UE à Bruxelles que le colonel Kadhafi pourrait avoir quitté son pays et être en route pour le Venezuela, une information démentie par des sources gouvernementales vénézuéliennes. Elles ont assuré que le gouvernement vénézuélien n'avait pour le moment "aucun contact" avec le dirigeant libyen.

Les violences en Libye ont atteint la capitale Tripoli, où des bâtiments publics ont été incendiés dans la nuit de dimanche à lundi, alors que Seif Al-Islam, le fils du leader contesté Mouammar Kadhafi, a brandi la menace d'un bain de sang dans le pays.

Le bilan des manifestations a atteint 233 morts, a indiqué lundi matin Human Rights Watch, faisant état de 60 morts pour la seule journée de dimanche à Benghazi, deuxième ville du pays et centre de la révolte depuis le 15 février.

Le ministre libyen de la Justice Moustapha Abdel Jalil a démissionné "pour protester contre l'usage excessif de la force" contre les manifestants, a annoncé le journal libyen Quryna.

Les manifestations contre le colonel Kadhafi -arrivé au pouvoir en 1969 et autoproclamé "Guide de la révolution"- ont gagné dimanche Tripoli.

AFP/Archives

Capture d'écran via YouTube de manifestants anti-Kadhafi le 17 février 2011à Tobrouk

Selon des témoins qui ont pu être contactés lundi par l'AFP, le siège d'une télévision et d'une radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants.

Des postes de police, des locaux des comités révolutionnaires, la "salle du peuple" accueillant des réunions officielles ainsi que le bâtiment abritant le ministère de l'Intérieur ont été incendiés, selon d'autres témoins.

Les communications téléphoniques ainsi que l'accès à internet étaient toujours très perturbés lundi.

La Fédération internationale des Ligues de droits de l'Homme (FIDH) a fait état d'informations selon lesquelles le camp de Bab el Azizia, où vit le dirigeant libyen en périphérie de Tripoli, aurait également été attaqué dans la nuit.

"On en a pas dormi hier soir à Tripoli, toute la nuit on a entendu des tirs", a raconté Mohamed Jarboui, un ingénieur tunisien rentré lundi au pays.

AFP/Archives

Le colonel Kadhafi à Tripoli, le 13 février 2011

"Tripoli était livrée à l'anarchie", a expliqué Adnane, 25 ans, un autre Tunisien qui a quitté la Libye.

La police libyenne a déserté dimanche midi Zaouia (60 km à l'ouest de Tripoli) qui est depuis livrée au chaos, ont indiqué à l'AFP d'autres Tunisiens à la frontière entre les deux pays.

Dans une allocution télévisée dans la nuit, Seif Al-Islam a prévenu les manifestants que la riposte serait sanglante.

"La Libye n'est pas comme la Tunisie ou l'Egypte (...). Il n'y a ni société civile ni partis politiques", a-t-il lancé en allusion aux révoltes qui ont provoqué la chute des présidents de ces deux pays.

Les "forces qui tentent de détruire la Libye et de la démembrer sont armées et le résultat sera une guerre civile. Personne ne se soumettra à l'autre et nous nous battrons", a-t-il prévenu. Si le pays se divise, "la Libye tombera dans une guerre civile (...), nous nous entretuerons dans les rues".

AFP

Carte de localisation des villes tombées aux mains des manifestants

Depuis le début du mouvement, le colonel Kadhafi n'a fait aucune intervention publique. Mais un adjoint du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a indiqué que ce dernier s'était entretenu avec lui, au sujet de l'évacuation de Turcs travaillant en Libye.

Seif Al-Islam a affirmé que la Libye était la cible d'un complot étranger, et que des éléments libyens et étrangers tentaient de détruire l'unité du pays pour instaurer une république islamiste.

Il a reconnu que plusieurs villes, dont Benghazi et Al-Baïda dans l'est, étaient la proie de violents combats et que les émeutiers s'étaient emparés d'armes militaires. Selon lui, des chars étaient aux mains de civils à Benghazi.

D'après la FIDH, qui avance un bilan de "300 à 400 morts", plusieurs villes, dont Benghazi, sont tombées aux mains des manifestants à la suite de défections dans l'armée.

Le Canada a "condamné vigoureusement" la répression en Libye, tandis que la Russie a appelé "toutes les parties en Libye à trouver une solution pacifique" pour mettre fin aux violences et "à entreprendre les réformes qui s'imposent".

AFP/LIBYAN TV

Capture d'écran de l'intervention à la télévision libyenne de Seïf Al-Islam, l'un des fils du colonel Kadhafi, le 20 février 2011

Le fils du colonel Kadhafi a promis des réformes concernant le code pénal et un dialogue sur la Constitution, ainsi que "des perspectives de liberté" pour la presse et la société civile.

Face à la répression sanglante des manifestations, des diplomates libyens ont commencé à faire défection. C'est le cas notamment de l'ambassadeur de Libye en Inde, Ali Al-Issawi, d'un diplomate libyen en Chine, Hussein Sadiq al Mousrati, et de trois employés non diplomates à Stockholm.

Dimanche, le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Honi, avait aussi annoncé sa démission pour rejoindre "la révolution".

Les pays européens réfléchissaient à l'évacuation de leurs citoyens. Certains pays, comme le Portugal et l'Autriche, ont envoyé des avions pour les rapatrier.

Des entreprises, comme les groupes pétroliers BP, ENI et Statoil, ont également pris des mesures en ce sens.

Deux avions militaires libyens et deux hélicoptères civils, avec sept personnes à bord affirmant être françaises, ont atterri dans l'après-midi à l'aéroport de La Valette, la capitale de Malte, a appris l'AFP de sources militaires.

Les sources maltaises ne disposaient pratiquement d'aucune information sur les avions militaires mais elles ont confirmé que les hélicoptères avaient obtenu l'autorisation d'atterrir à La Valette.

Selon ces sources militaires maltaises, les hélicoptères n'avaient en revanche pas obtenu l'autorisation de quitter la Libye, ce qui semble indiquer qu'ils ont fui ce pays, en proie à une violente insurrection.

Sur les marchés, l'instabilité dans ce riche pays pétrolier et les craintes de propagation aux pays de la région gros producteurs de brut ont fait grimper les cours. A Londres, le baril est passé au-dessus de 105 dollars, pour la première fois depuis fin septembre 2008, avant de légèrement redescendre à la mi-journée.

L'agence de notation Fitch a annoncé lundi avoir abaissé la note souveraine de la Libye d'un cran, de BBB+ à BBB.

En Italie, important partenaire économique de la Libye, des entreprises présentes dans ce pays ont fortement chuté à la bourse de Milan, dont le principal indice reculait de 3,41% vers 15H25 GMT.

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