24 février, 2011

Kadhafi accuse l'opposition de servir Al-Qaïda, l'exode massif continue

AL BAIDA (Libye) (AFP)

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Des manifestants brandissent une caricature de Kadhafi à Tobrouk, ville de l'est de la Libye aux mains des insurgés, le 24 avril 2011

Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a accusé jeudi les insurgés, maîtres de l'est de la Libye, d'être des "drogués" et de servir les intérêts d'Al-Qaïda, alors que la communauté internationale craint une catastrophe humanitaire dans la foulée de l'exode des Libyens.

M. Kadhafi, le plus ancien dirigeant du monde arabe, a pris la parole, dans un message audio diffusé par la télévision libyenne, pour la seconde fois en 48 heures pour fustiger les contestataires.

"Ces gens n'ont pas de vraies revendications, leurs revendications sont celles de Ben Laden", a affirmé le colonel Kadhafi dans son intervention d'une vingtaine de minutes.

Le leader libyen a par ailleurs indiqué que son pouvoir était seulement moral. "Je n'ai pas le pouvoir de faire des lois ou de faire appliquer la loi. La reine d'Angleterre n'a pas cette autorité. C'est exactement mon cas", a-t-il dit.

Il a en outre affirmé que les manifestants prenaient de la drogue distribuée par des "agents de l'étranger".

Dans un bandeau en bas d'écran la télévision a précisé que le "Guide s'adresse aux habitants de la ville de Zawiyah", à 60 km à l'ouest de Tripoli.

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Un opposant à Kadhafi, à Tobrouk, brandit le vieux drapeau national, le 24 février 2011

Il a présenté ses "condoléances aux familles de quatre membres des forces de sécurité tuées" à Zawiyah. Selon un bilan provisoire publié par un journal libyen, dix personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées jeudi dans l'assaut donné par les forces de sécurité libyennes contre la ville de Zawiyah.

Le leader libyen s'était exprimé pour la première fois officiellement mardi soir dans un discours enflammé dans lequel il avait juré de réprimer dans le sang l'insurrection.

Au dixième jour de cette révolte qui a fait des centaines de morts, les rues de Tripoli étaient quasi-désertes en matinée après une nuit troublée par des tirs nourris, notamment dans la banlieue est.

Dans l'ouest du pays, la ville de Zouara a été "désertée par la police et les militaires" et "le peuple tient la ville", ont affirmé des témoins arrivés dans la Tunisie voisine par la route.

Dans l'Est, la région riche en pétrole tombée aux mains des opposants, les murs criblés de balles d'Al Baïda étaient autant de stigmates de la violence des combats entre opposants et "mercenaires" pro-régime.

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Des opposants à Kadhafi dans les rues de Tobrouk, dans l'est de la Libye, le 24 février 2011

"J'ai démissionné et je suis venu à Al Baïda pour être solidaire de mon peuple", assure le général Salah Mathek, un responsable de la police qui a fait défection comme une dizaine de généraux et de colonels.

"Ils nous ont ordonnés d'attaquer le peuple et j'ai refusé", explique un autre général, Abdel Aziz al-Busta.

"On parle de marcher sur Tripoli. Notre objectif est Tripoli, si Tripoli n'arrive pas à se libérer par lui-même", dit un autre officier.

Les opposants semblent contrôler la région allant de la frontière égyptienne jusqu'à la localité d'Ajdabiya plus à l'ouest, en passant par Tobrouk, Derna et Benghazi, épicentre de la contestation à 1.000 km à l'est de Tripoli.

Selon des informations non confirmées d'habitants anti-Kadhafi à Al Baïda, les partisans du "guide" sont concentrés dans la capitale, où la milice Khamis disposerait notamment de 9.000 combattants ainsi que de chars, d'avions et d'armes lourdes.

Des informations non confirmées faisaient également état d'une poursuite des combats à Musratah (150 km à l'est de Tripoli).

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Des Egyptiens ayant fui la Libye chargent leurs affaires sur une camionnette à la frontière entre les deux pays, à Sallum, le 24 février 2011

L'armée régulière, de son côté, a été affectée par les mutineries, selon ces sources qui affirment que le sort de 140 officiers de Tripoli qui s'étaient retournés était inconnu.

A l'étranger, les protestations se multipliaient contre le régime de M. Kadhafi, au pouvoir depuis près de 42 ans mais de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes et plusieurs proches et diplomates.

Alors que le président américain Barack Obama a jugé mercredi "scandaleux" le bain de sang en Libye, l'UE a chargé ses experts d'examiner des interdictions de visa, des gels d'avoirs, et d'éventuelles poursuites contre des dirigeants libyens.

Paris a estimé que les violences perpétrées par le pouvoir "pourraient constituer des crimes contre l'humanité" et souhaité que M. Kadhafi "vive ses derniers moment de chef d'Etat". Londres s'est dit favorable à "une enquête internationale" sur les "atrocités".

La Commission européenne s'est dite préoccupée par le risque de catastrophe humanitaire et évaluait les besoins en cas d'exode massif de la population.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 30.000 Tunisiens et Egyptiens ont fui la Libye depuis lundi, un chiffre qui porterait à plus de 38.000 le nombre de personnes ayant quitté le pays, selon un décompte de l'AFP.

Un porte-parole de la Commission européenne a indiqué que l'UE cherchait un appui naval militaire pour évacuer ses quelque 6.000 ressortissants toujours en Libye.

Pour leur part, les compagnies aériennes allemande Lufthansa et italienne Alitalia ont suspendu leurs vols à destination de Tripoli.

La Libye détenant les plus importantes réserves de pétrole en Afrique, l'or noir poursuivait son envolée sur les marchés, atteignant des prix record depuis plus de deux ans, à près de 120 dollars le baril à Londres et plus de 100 à New York.

ENI, premier producteur étranger en Libye, a annoncé que sa production avait été réduite de plus de 50% après l'arrêt de certaines activités. D'autres groupes pétroliers ont cessé une partie de leurs activités dans le pays comme l'Espagnol Repsol ou le Français Total.

Depuis le 15 février, 300 personnes ont été tuées, selon un bilan officiel, la plupart à Benghazi, deuxième ville du pays. Mais la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a parlé d'au moins 640 morts.

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