11 février, 2011

Egypte: Moubarak quitte le pouvoir, l'Egypte en liesse

LE CAIRE (AFP)

AFP

Les Egyptiens en liesse sur la place Tahrir, au Caire, le 11 février 2011

Le président égyptien Hosni Moubarak, 82 ans, a quitté ses fonctions et remis le pouvoir à l'armée vendredi, après 18 jours de contestation populaire, provoquant une explosion de joie dans le pays sur lequel il régnait depuis trois décennies.

"Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d'abandonner le poste de président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays", a déclaré le vice-président Omar Souleimane dans une brève allocution télévisée.

Cette annonce est intervenue alors que plus d'un million de personnes manifestaient contre le raïs à travers l'Egypte.

Les centaines de milliers de manifestants réunis place Tahrir au Caire ont explosé de joie à l'annonce de la démission du président, au pouvoir depuis 1981, ont constaté les journalistes de l'AFP.

"Le peuple a fait tomber le régime!", scandait une foule en délire sur cette place devenue symbole du mouvement de contestation déclenché le 25 janvier et qui a fait au moins 300 morts, selon l'ONU et Human Rights Watch.

AFP/Archives

Hosni Moubarak, le 8 février 2011 au Caire

Les manifestants hurlaient de joie et agitaient des drapeaux égyptiens. Certains se sont évanouis sous le coup de l'émotion.

"La vie recommence pour nous", a déclaré la figure la plus en vue de l'opposition, Mohamed ElBaradei, à la télévision Al-Jazeera.

"Mon message au peuple égyptien est que vous avez gagné la liberté (...) Faisons-en le meilleur usage", a-t-il ajouté.

Les Frères musulmans, principale force de l'opposition, ont salué "l'armée qui a tenu ses promesses" et le "combat" des Egyptiens.

"Félicitations à l'Egypte, le criminel a quitté le palais", a souligné de son côté sur Twitter Waël Ghonim, un cybermilitant devenu icône du soulèvement.

"Je pleure parce que je suis heureuse", a lancé une manifestante, Loubna Darwiche, 24 ans, tout en tempérant: "il reste beaucoup à faire". "Nous aimons l'armée mais c'est le peuple qui a mené cette révolution et c'est lui qui doit la contrôler".

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Des Egyptiens manifestent leur joie après le départ de Moubarak, le 11 février 2011 sur la place Tahrir au Caire

Le ministre égyptien de la Défense Mohamed Hussein Tantaoui, qui apparaît désormais comme le nouvel homme fort du pays, a salué vendredi soir la foule célébrant le départ de Hosni Moubarak devant le palais présidentiel.

Un peu plus tôt, le Parti national démocrate (PND) de M. Moubarak avait indiqué que le chef de l'Etat avait quitté Le Caire pour la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï, où il dispose d'une résidence.

La Suisse a annoncé avoir gelé "avec effet immédiat" les avoirs que pourraient détenir dans la Confédération M. Moubarak et son entourage, une décision destinée à "éviter tout risque de détournement de biens appartenant à l'Etat égyptien".

Ailleurs dans le monde, des explosions de joie ont notamment eu lieu à Gaza et Tunis, où un mouvement de contestation similaire avait provoqué la chute le 14 janvier du président Zine El Abidine Ben Ali.

"C'est formidable! Deux dictateurs sont tombés en moins d'un mois!", exultait Nourredine, un étudiant de 23 ans, dans un concert assourdissant de klaxons, tandis que son copain Ahmed se demandait: "A qui le tour maintenant?"

Le vice-président américain Joe Biden a salué "un jour historique", tandis que la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton se félicitait que M. Moubarak ait "écouté la voix du peuple égyptien", ouvrant ainsi la voie à des "réformes plus rapides et plus profondes".

Pour sa part, Israël espère que la période de transition qui s'ouvre en Egypte se fera "sans secousse", a affirmé à l'AFP un responsable gouvernemental.

"La voix du peuple égyptien a été entendue", s'est réjouit le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, tandis que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, ancien ministre égyptien des Affaires étrangères, a salué vendredi le "changement historique".

Alors que les manifestations se déroulaient le plus souvent dans le calme depuis le 3 février, une personne a été tuée et 20 blessées vendredi lors de heurts à Al-Arich, dans le Sinaï égyptien, entre manifestants et policiers, selon un responsable des services de sécurité.

Jeudi soir, M. Moubarak avait annoncé qu'il déléguait ses prérogatives au vice-président Omar Souleimane, mais qu'il restait de droit président jusqu'à la fin de son mandat en septembre, une annonce qui avait provoqué la colère des manifestants qui réclamaient son départ immédiat.

M. Moubarak avait aussi annoncé l'amendement de cinq articles controversés de la Constitution concernant la présidentielle.

Mais il conservait encore de larges pouvoirs constitutionnels, et restait le seul à pouvoir dissoudre le Parlement et limoger le gouvernement, en vertu de l'article 82. Cela n'est désormais plus le cas.

L'armée égyptienne, colonne vertébrale du régime, s'était portée "garante" dans la matinée des réformes promises par M. Moubarak, en soulignant "la nécessité d'un retour à la vie normale".

Chargée désormais de gérer les affaires du pays, l'armée est confrontée à la tâche colossale de restaurer la stabilité tout en répondant aux aspirations au changement démocratique.

Dans la matinée, le conseil suprême des forces armées avait assuré qu'il garantirait "une élection présidentielle libre et transparente à la lumière des amendements constitutionnels décidés" et promis de mettre fin à l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, "dès la fin des conditions actuelles".

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