25 janvier, 2011

Washington prend le train de la révolution tunisienne

WASHINGTON (AFP)

AFP/Getty Images/Archives

Le sous-secrétaire d'Etat Jeffrey Feltman à Washington le 6 octobre 2009

Les Etats-Unis, qui ont saisi un peu avant l'Europe l'état d'esprit de la rue tunisienne, poussent désormais leur avantage en accompagnant de leur voix la poussée démocratique dans le pays.

Le sous-secrétaire d'Etat Jeffrey Feltman, arrivé lundi à Tunis, est le premier haut responsable occidental à visiter le pays depuis la chute du président Ben Ali.

Dépêché par Washington pour offrir l'aide des Etats-Unis à la transition, il a souligné publiquement mardi que la "crédibilité" du pouvoir naissant dépendrait de "l'issue d'un processus électoral".

Il a aussi annoncé qu'il se rendrait à Paris mercredi pour discuter de la crise tunisienne avec des responsables français, renforçant le sentiment que l'Amérique a pris la tête du soutien international à la nouvelle Tunisie, sans doute au détriment de l'ancienne puissance coloniale.

L'administration Obama avait convoqué dès le 7 janvier l'ambassadeur de Tunisie à Washington pour s'inquiéter du respect des libertés individuelles. Le 11 janvier, le département d'Etat déplorait "l'usage excessif de la force" dans les manifestations.

Par contraste, le Premier ministre français, François Fillon, avait attendu le 13 - veille du départ de M. Ben Ali- pour faire une déclaration similaire.

Washington avait également visé juste en concentrant ses premiers reproches sur l'ingérence du pouvoir tunisien dans les comptes Facebook - une critique qui a pris du poids étant donné le rôle éminent d'internet dans la "révolution du jasmin".

"Même si c'était tardif", le président Barack Obama a "pris clairement le parti de la démocratie", a reconnu Kenneth Roth, directeur général de Human Rights Watch.

L'association de défense des droits de l'homme n'en a pas moins épinglé la longue prudence des Occidentaux, Européens et Américains confondus.

En 2006 à Tunis, Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense de George W.Bush, avait qualifié comme d'autres la Tunisie de "pays démocratique".

Il avait assorti ce certificat de bonne conduite des bémols d'usage. Mais il avait surtout insisté sur le rôle clé du régime Ben Ali contre l'islamisme radical.

Au début de la crise en cours, les Etats-Unis n'ont, pas plus que la France ou l'UE, jamais appelé au départ de Ben Ali. Et le 12 janvier, le département d'Etat déplorait encore "le comportement de certains manifestants" tunisiens.

Tout s'est ensuite accéléré à Washington, relève pour l'AFP Marina Ottaway, la directrice des études proche-orientales à la fondation Carnegie.

Hillary Clinton, chef de la diplomatie américaine, a rebondi habilement sur la crise tunisienne dans un discours au Qatar le 13 janvier, avertissant les régimes arabes que s'ils ne donnaient pas plus de liberté à leur peuple, les extrémistes exploiteraient la situation.

Les Etats-Unis, observe Mme Ottaway, "essaient de se positionner très vite du bon côté, de montrer qu'ils soutiennent vraiment la démocratie. Il faut se souvenir que l'administration Obama a été souvent accusée de tiédeur sur les questions démocratiques. Elle saisit une chance de montrer qu'elle est du bon côté".

L'opération semble pour l'instant réussie, au point qu'une rumeur, à Tunis, affirme que l'état-major de l'armée tunisienne s'est concerté avec Washington avant de retirer son soutien à Ben Ali, signant sa disgrâce et son départ précipité du pays.

Mais personne n'a parlé de cela à Washington, s'étonne Mme Ottaway, qui écarte a priori l'idée que les Etats-Unis aient pu jouer un rôle dans la fin du régime autoritaire.

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