06 janvier, 2011

Tournant au Venezuela avec le retour de l'opposition au Parlement

CARACAS (AFP)

AFP

L'Assemblée nationale à Caracas le 3 janvier 2011

L'opposition au Venezuela a fait son grand retour mercredi au Parlement après cinq ans d'absence, mais dans un climat de tension et sans la marge de manoeuvre qu'elle espérait pour contrecarrer les projets du président socialiste Hugo Chavez.

Dans ce pays très divisé politiquement depuis douze ans entre pro et anti-Chavez, des milliers de personnes ont défilé aux côtés des députés fraîchement élus pour les accompagner au palais législatif.

D'un côté, les sympathisants de l'opposition criaient "Si se puede" (Si, nous le pouvons), version vénézuélienne du "Yes we can" de la campagne de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis. De l'autre, une marée rouge a manifesté sa solidarité inconditionnelle envers les socialistes.

L'inauguration de la nouvelle Assemblée nationale monocamérale issue des élections législatives de septembre, avec 40% de députés d'opposition, marque un tournant dans la vie politique vénézuélienne.

L'opposition, très disparate, allant du centre-gauche à la droite traditionnelle, avait boycotté le précédent scrutin, permettant au président de gouverner sans contre-poids législatif, nationalisant notamment plusieurs secteurs-clefs de ce pays pétrolier.

Au sein de la nouvelle Assemblée, les socialistes conservent leur confortable majorité (98 députés sur 165) mais l'opposition, avec 67 députés, entend peser sur les débats, quasi-absents dans la précédente configuration.

Toutefois, une loi approuvée en décembre par les députés sortants, en quasi-totalité des partisans de Chavez, a attribué au chef de l'Etat des pouvoirs exceptionnels lui permettant de gouverner par décret pendant 18 mois, ce qui limite la marge de manoeuvre du Parlement.

Ils ont aussi voté en urgence une vingtaine de lois controversées renforçant le contrôle de l'Etat sur les médias ou les banques.

Les 67 députés d'opposition ont dans la foulée "condamné" un "coup d'Etat (...) qui a pour but la mise en place d'un système communiste au Venezuela à travers un Etat totalitaire et militarisé".

Le président devrait jouir de ses pouvoirs exceptionnels pendant une période décisive, avant la présidentielle de 2012.

Chavez a été réélu à trois reprises avec de confortables majorités depuis 1998, mais sa popularité a baissé ces derniers mois à la faveur de la crise économique (récession de 3,3% en 2009 puis de 1,9% en 2010) et de l'explosion de la criminalité.

L'hymne national a retenti mercredi à l'ouverture de la séance parlementaire, qui a débuté par l'élection du député socialiste Fernando Soto Rojas, un ancien guérillero, à la tête de l'Assemblée.

Les tensions politiques n'ont pas tardé à affleurer.

"Nous avons 98 députés. La majorité va continuer le projet bolivarien (de Simon Bolivar, le libérateur du Venezuela) que le père de la patrie a commencé, et ce jusqu'à atteindre la complète souveraineté et indépendance", a déclaré la députée Cilia Flores, tandis que ses confrères socialistes criaient: "nous sommes la majorité!", "ils ne reviendront pas!".

"Nous sommes revenus avec 52% des voix", a répondu le député d'oposition Richard Blanco. Aux législatives de septembre, l'opposition toutes tendances confondues a ravi moins de sièges que les socialistes, avec plus de voix (52 contre 48%).

"Vous êtes la majorité uniquement ici, pas dans la rue", a ajouté son confrère Alfonso Marquina.

"Nos députés vont les broyer", a lancé mercredi Hugo Chavez à l'attention de l'opposition.

"Ils seront emportés par les voix de la vérité d'un peuple en lutte. Pourvu qu'ils respectent la Constitution, les lois et les institutions!", a-t-il ajouté.

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