18 janvier, 2011

Premier procès en Allemagne d'un Rwandais accusé de génocide dans son pays

FRANCFORT (Allemagne) (AFP)

AFP/Archives

Mémorial du génocide à Nyamata, au Rwanda, le 27 février 2004

Le procès d'un Rwandais accusé de participation au génocide qui a fait des centaines de milliers de morts au Rwanda en 1994 s'ouvre mardi à Francfort, une première pour l'Allemagne.

Onesphore Rwabukombe, 54 ans, est accusé d'avoir "ordonné et coordonné trois massacres commis entre le 11 et le 15 avril 1994, au cours desquels ont été tués au moins 3.730 Tutsi qui avaient trouvé refuge dans des églises".

Selon l'accusation, cet ancien maire de Muvumba (nord-est) a aussi obligé un employé à mettre à la porte des Tutsi qui s'étaient réfugiés chez lui, avec des conséquences fatales pour au moins l'un d'eux.

Outre le Rwanda et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé par l'ONU en Tanzanie, plusieurs pays d'Europe (Belgique, Suisse, Pays-Bas, Finlande) et le Canada ont déjà jugé des Rwandais pour des faits liés au génocide, qui selon l'ONU a fait 800.000 morts. Plusieurs procès ont abouti à des peines de prison à vie.

Mais en Allemagne, où Onesphore Rwabukombe est incarcéré depuis fin juillet, c'est une première. En dehors des crimes nazis, des ex-Yougoslaves ont déjà été jugés pour génocide, mais pas de Rwandais.

"Nous sommes reconnaissants à l'Allemagne (...) Notre premier but est une extradition mais si cela ne marche pas, nous sommes contents de voir le pays poursuivre lui-même", a déclaré à l'AFP le procureur général du Rwanda, Martin Ngoga.

AFP/Archives

Le chef du mouvement rebelle rwandais hutu FDLR, Ignace Murwanashyaka (C), le 31 mars 2005 à Rome

"Cela a aussi un avantage quand d'autres pays jugent ces dossiers, ils voient la preuve du génocide. Et souvent, ces pays ont plus de ressources et peuvent rassembler plus de preuves que nous ne le pourrions", a-t-il ajouté.

Le TPIR n'a jamais enquêté sur Onesphore Rwabukombe, qui faisait en revanche l'objet d'un mandat d'arrêt de Kigali relayé par Interpol en 2007.

La justice allemande avait du coup arrêté ce Rwandais en juillet 2008 -- il vivait "dans la région du Rhin et du Main", non loin de Francfort, dans l'ouest du pays. Mais elle avait ensuite refusé en novembre 2008 de l'extrader vers le Rwanda, arguant que les conditions d'un procès équitable n'étaient pas garanties.

Un mois plus tard, M. Rwabukombe avait été de nouveau arrêté, cette fois sur initiative allemande. Avant d'être relâché en mai 2009, les procureurs estimant le dossier trop fragile, avec des témoignages essentiellement "indirects".

Mais le parquet fédéral a ensuite repris ses recherches et mené "une enquête intensive". Des procureurs allemands se sont rendus en Afrique où ils ont entendu de nombreux témoins, dans des "conditions difficiles".

Des audiences sont programmées jusqu'en octobre mais le procès pourrait durer au-delà.

Le parquet fédéral dit "s'attendre à d'autres enquêtes en rapport avec le génocide au Rwanda en 1994" et vouloir veiller "à ce qu'aucun participant ne puisse trouver refuge impunément en Allemagne".

"Nous apprécions ce procès d'Onesphore Rwabukombe ... Mais il y a d'autres fugitifs en Allemagne et il serait bien de les voir eux aussi arrêtés et jugés", a dit à l'AFP Janvier Forongo, secrétaire général de l'association de rescapés rwandais Ibuka.

Deux chefs rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) basées en République démocratique du Congo, Ignace Murwanashyaka et son adjoint Straton Musoni, doivent également être jugés en Allemagne. Ils sont accusés de crimes de guerre et contre l'Humanité commis en 2008 et 2009 contre des centaines de civils. La date du procès n'est pas encore fixée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire