29 janvier, 2011

Egypte: au moins 20 morts, couvre-feu décrété, l'armée en renfort

LE CAIRE (AFP)

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Les membres de la Garde déployée, au Caire le 28 janvier 2011.

Au moins vingt personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées vendredi en Egypte lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre alors que le président Hosni Moubarak a fait appel à l'armée et décrété le couvre-feu dans trois grandes villes du pays.

Le président Moubarak limoge le gouvernement et promet de "nouvelles mesures" pour la démocratie au cours d'une allocution télévisée

Au quatrième jour du mouvement de protestation le plus important depuis l'arrivée au pouvoir de M. Moubarak en 1981, les signes d'inquiétude se multipliaient à l'étranger, les Etats-Unis réclamant à leur allié de réfréner ses forces de l'ordre et d'engager des réformes politiques "immédiates".

M. Moubarak, dont des centaines de milliers de manifestants ont réclamé le départ vendredi à travers tout le pays, a demandé à l'armée, épine dorsale de son régime, de faire respecter la sécurité avec la police qui a semblé débordée par la mobilisation populaire sans précédent.

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Des manifestants égyptiens bravent le couvre-feu, le 28 janvier 2011 au Caire.

Les 20 morts de vendredi portent à 27 le nombre de personnes tuées depuis mardi dans tout le pays.

Le couvre-feu a été décrété au Caire, à Alexandrie (nord) et à Suez (est) entre 18H00 (16H00 GMT) à 07H00 (05H00 GMT), et ce jusqu'à nouvel ordre.

En soirée, des soldats lançaient des signes de victoire à des milliers de manifestants ayant bravé le couvre-feu dans la capitale et des policiers serraient la main de manifestants, selon un journaliste de l'AFP.

Toujours au Caire, un peu plus tôt, les manifestants ont mis le feu au siège du Parti national démocrate (PND), au pouvoir. Dans la journée, ils avaient incendié deux commissariats de la capitale.

Dans la matinée, dès la fin des prières musulmanes, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour ce "vendredi de la colère", à l'appel du Mouvement du 6 avril, un groupe de jeunes pro-démocratie qui s'est inspiré de la "révolution du jasmin" ayant chassé le président Zine El Abidine Ben Ali de Tunisie.

Aux cris d'"A bas Hosni Moubarak" et "le peuple veut la chute du régime", les manifestations se sont étendues à tout Le Caire, une métropole de 20 millions d'habitants, et ont gagné les principales villes du pays.

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Manifestations au Caire malgré le couvre-feu, le 28 janvier 2011

Les policiers ont eu recours à des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des canons à eau pour disperser les manifestants. Cinq personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées, selon des sources médicales.

L'opposant le plus en vue, Mohamed ElBaradei l'ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui s'est dit prêt à mener une transition au pouvoir après un éventuel départ de M. Moubarak, et les Frères musulmans (opposition), ont participé aux manifestations.

"Liberté!", ont scandé les manifestants sous les regards de policiers déployés avec boucliers et casques à visière, près de la célèbre mosquée Al-Azhar, au Caire.

A Suez (nord-est), treize personnes ont trouvé la mort lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre et à Mansoura (nord) deux autres ont péri dans les mêmes circonstances, selon des témoins.

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Carte de localisation des villes où ont eu lieu les manifestations réclamant la chute du président Moubarak

A Alexandrie (nord), deuxième ville d'Egypte, la police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles caoutchoutées pour disperser des milliers de manifestants qui ont incendié le siège du gouvernorat.

A Mansoura, certains imams ont appelé à "sortir et demander le changement". Des affiches du parti au pouvoir ont été arrachées.

M. Moubarak, 82 ans, qui s'est appuyé pendant près de 30 ans sur un redoutable appareil policier et un système dominé par un parti qui lui est entièrement dévoué, s'est illustré par son silence depuis le début de la contestation, et a fait connaître sa décision d'instaurer le couvre-feu par la télévision d'Etat.

Le Pentagone a indiqué que le chef d'état-major égyptien, Sami Anan, qui conduisait une délégation militaire pour des entretiens à Washington prévus jusqu'à mercredi, retournait en Egypte.

La Maison Blanche s'est dite "très préoccupée" et a appelé Le Caire à respecter les droits des Egyptiens.

La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton a invité M. Moubarak à "faire tout ce qui est en son pouvoir pour réfréner les forces de l'ordre" et a réclamé des réformes "immédiates". Le Pentagone a lui appelé l'armée à faire preuve de "retenue".

Un responsable américain a prévenu que les Etats-Unis pourraient revoir leur aide, notamment militaire, en fonction de la réponse des autorités aux manifestations.

La diplomate en chef de l'Union européenne, Catherine Ashton, a appelé à la libération "immédiate et sans condition" des manifestants arrêtés.

Londres a appelé à des "réformes" alors que Berlin demandait à M. Moubarak d'autoriser les "manifestations pacifiques". Paris a appelé à "la retenue" et "au dialogue" alors que Rome réclamait la "fin immédiate de tout type de violence".

Mme Clinton a en outre appelé le gouvernement égyptien à mettre fin au blocage "sans précédent" des communications dans le pays.

L'internet et les services de téléphonie mobile, qui ont joué un rôle-clé dans la mobilisation populaire, étaient en effet coupés dans le pays. Une première par son ampleur pour l'internet, selon des experts.

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