25 décembre, 2010

Pour Noël, c'est la "guerre des pétards" dans une petite ville de Cuba

REMEDIOS (Cuba) (AFP)

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Des habitants de Remedios allument des pétards pour la fête des "Parrandas", le 25 décembre 2010

La messe de Noël n'a pas eu lieu cette année à Remedios (320 km à l'est de La Havane) où le ciel a subi toute la nuit l'assaut de centaines de pétards et feux artisanaux lancés par deux quartiers rivaux que rien ne peut arrêter, pas même la crise économique.

Respectant une tradition du XIXe siècle, les "Sansari", du quartier de San Salvador, et les "Carmelitas", du quartier voisin de Carmen, s'affrontent chaque nuit de Noël jusqu'à l'aube dans un combat pyrotechnique infernal sous les cris ébahis de milliers de noctambules parfois éméchés courant à droite et à gauche pour éviter cendres et rebuts de feux qui retombent sur eux.

Chaque camp a déployé deux chars allégoriques aux thèmes exotiques sur la grand place. C'est "Casse-noisette" et l'Egypte des Pharaons pour les Sansari. C'est l'hiver - présentant des personnages aux costumes extravagants - et un volcan en éruption pour les Carmelitas.

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Les habitants de Remedios, à Cuba, regardent les feux d'artifice lors de la fête des "Parrandas", le 25 décembre 2010

Des centaines d'ampoules électriques -- celles confisquées à la population par les autorités pour qu'elles soient remplacées par des ampoules à basse consommation d'énergie -- vont flasher toute la nuit...

"Pourquoi de l'exotisme? On veut peut-être oublier Cuba et ses problèmes le temps d'une nuit", dit en riant Roaydi Cartaya, un jeune artiste qui a déjà participé à la création d'un char allégorique pour ces "Parrandas".

Tous les moyens sont bons pour vaincre le camp rival, y compris voler du matériel et surtout obtenir une aide de leurs "riches" compatriotes partis vivre à l'étranger.

"L'Etat nous donne à part égale un peu de ressources pour organiser cet événement. Mais ce qui fait qu'un quartier va surpasser l'autre, c'est son apport personnel", explique Carlos dit "le gros", un responsable du quartier de San Salvador en effervescence. "On nous a volé des fusées!", hurle une femme d'une quarantaine d'années portant un maillot frappé de l'emblème du quartier, un coq de combat.

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Une femme en costume "égyptien" lors de la fête des "Parrandas", le 25 décembre 2010

Des pompiers sont postés à proximité des "bases de tirs" des deux quartiers rivaux pour éviter que ne se reproduise un accident qui, selon des habitants, avait tué une personne dans les années 1990.

Mais cette année, il y a une nouveauté: la messe de Noël a été annulée à l'église se trouvant sur la place. Les belligérants devaient suspendre leurs actions le temps d'une messe pour les catholiques - actuellement en très bons termes avec le pouvoir communiste -, mais ce ne fut pas nécessaire, une affiche annonçant sans explication la fermeture de l'église du 24 au 26 décembre.

Cette tradition trouve pourtant son origine par l'action d'un prêtre qui, au début du XIX siècle, dépêchait des jeunes gens chantant et dansant dans les rues du quartier voisin pour contraindre leurs habitants endormis à se rendre à la messe de minuit.

"Les Parrandas" ont pris en 1871 leur forme actuelle sur la vieille place qui semble n'avoir guère changé depuis. Rien ou presque n'y rappelle la Révolution de Fidel Castro.

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Des habitants de Remedios allument des pétards lors de la fête des "Parrandas", le 25 décembre 2010

Un petit groupe d'homosexuels venu de Santa Clara, "capitale" selon eux des travestis, a profité de la cohue pour brandir le drapeau arc-en-ciel des gays. "Les gens ici ne savent même pas ce que c'est que ce drapeau", rigole Javier Perez, 45 ans.

"Je ne serais certainement pas allé à cette messe de minuit si elle avait eu lieu", lance M. Perez, un économiste, en disant espérer pour l'année 2011 "la résolution" des problèmes économiques de Cuba où 500.000 emplois du secteur public doivent être supprimés d'ici la fin du premier trimestre 2011. "Ce serait un vrai miracle", soupire son ami âgé d'une trentaine d'années.

A l'aube, les crépitements des feux se sont tus. La place est jonchée de débris. Les Sansari et Carmelitas sont repartis chez eux avec chacun la certitude d'avoir remporté la "guerre".

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