27 décembre, 2010

CÔTE D’IVOIRE : LE COUP D’ETAT PERMANENT‏

leblogdanicetdjehoury.blogs.nouvelobs.com Dans l'essai Mitterrandien de 1964, il s'est agit de dénoncer une forme de pouvoir personnel। Celui du général de Gaulle.
Quarante-six ans après, il s'agit de dénoncer une succession de coups de force en Côte d'Ivoire. Derrière les querelles entre Ivoiriens, les uns voient des mains externes, obscures et manipulatrices; les autres, une pure vue de l'esprit.

Venons-en à la matérialité des faits! Rétrospective...


Tout commence en 1993, à la mort d'Houphouët, et le refus d'appliquer la Constitution ivoirienne (art. 11) qui désigne Bédié, président de l'Assemblée nationale, comme étant le successeur du vieux. En guise de rétorsion, le nouveau président lance le concept d'ivoirité.

Un cap est franchi six ans plus tard avec le premier coup d'Etat de l'histoire de la Côte d'Ivoire qui ouvre une ère d'instabilité politique.
Le général Guéï à qui le pouvoir est prêté, refuse de le rendre. Il essuie, en septembre 2000, une tentative de putsch; c'est le complot du cheval blanc (1).

Un mois plus tard, malgré une tentative de hold-up électoral du général, Gbagbo est élu président.
Deux mois après son élection, Gbagbo subit, à son tour, une tentative de putsch. C'est le complot dit de la Mercedes noire (2). Bilan: 15 morts.

Le 19 septembre 2002, partis du Burkina Faso voisin, des rebelles attaquent la Côte d'Ivoire. Echouant dans leur tentative de putsch, ils forment un kyste au Nord du pays. La Côte d'Ivoire est depuis lors coupée en deux. Nombreux sont ceux qui voient déjà, derrière cette rébellion sans visage, la main invisible de la françafrique.

A partir de 2002, la France se saisit du dossier ivoirien, elle ne le lâchera plus.

Marcoussis, janvier 2003. Deux rapports accablants se trouvent sur le bureau des autorités françaises. Le premier émane des services de renseignement français. Ce rapport de sept pages intitulé "Côte d'Ivoire, au sujet des escadrons de la mort", met en cause des proches du président Gbagbo et de son épouse.
Le second, effroyable, provient d'Amnesty International (3). Il évoque, dans une prison aux mains des rebelles à Bouaké, le massacre d'une centaine de détenus: des gendarmes, une cinquantaine de leurs enfants, et des civils.
La menace d'une saisine de la Cour Pénale Internationale est pour la première fois invoquée en Côte d'Ivoire. Et contre toute attente, cette menace n'est proférée qu’à l'égard de Gbagbo.
Mamadou Koulibaly, président de l'Assemblée nationale, claque la porte des négociations en accusant les autorités françaises d'ourdir un coup d'Etat constitutionnel.
L'accord de Marcoussis voit tout de même le jour. Il transforme Gbagbo en reine d'Angleterre en le déshabillant de toutes ses prérogatives. Dans le même temps, des ministères régaliens sont attribués aux rebelles.

La France tombe le masque en 2004 puis en 2005 sous le couvert des Nations-Unies.

Novembre 2004, l'armée régulière lance une offensive en vue de réunifier le pays.
Une source militaire française intoxique les stratèges militaires ivoiriens sur une prétendue réunion des cerveaux militaires rebelles à proximité du camp français à Bouaké (4). Une manipulation qui tourne mal. Neuf soldats français meurent dans le bombardement.
La France intervient militairement dans le conflit. Elle détruit toute la flotte aérienne ivoirienne, bombarde les palais présidentiels de Yamoussoukro et d'Abidjan puis s'empare de l'aéroport. Le lundi 8 novembre 2004, une cinquantaine de chars français se présente nuitamment chez Gbagbo. Le coup de force du général Poncet tourne court. 63 civils ivoiriens sont abattus et plus d'un millier de blessés.

Octobre 2005, la France revient dans le jeu, cette fois sous le couvert du Conseil de sécurité, en lançant le débat sur le vide constitutionnel après le report des élections.
Faute de désarmement des rebelles, les élections n'ont pu se tenir à la date prévue. La Constitution ivoirienne prévoit pourtant le maintien du président sortant jusqu'à la prestation de serment du nouveau président de la République.
A l'initiative de la France, la résolution 1633 crée un Groupe de Travail International -GTI- pour la Côte d'Ivoire et impose un Premier ministre à Gbagbo. A la tête du GTI, un fonctionnaire onusien, Pierre Schori. Sa mission est simple: aider à la réunification le pays. Mais, Pierre Schori décide de s'attaquer aux Institutions ivoiriennes. Il veut supprimer l''Assemblée nationale. L'attitude de Choi, cinq ans plus tard, de passer outre la décision de la cour suprême ivoirienne, n'est qu'un éternel recommencement. Les fonctionnaires onusiens en Côte d'Ivoire se considèrent au-dessus des Institutions et des autorités de ce pays.

En définitive, Gbagbo est contraint d'aller aux élections avec une partie du territoire occupée qui lui est complètement hostile. Avec une commission électorale loin d'être indépendante. Sur les vingt deux (22) commissaires de cette commission, seize (16) lui sont hostiles. Et avec une communauté internationale, censée surveiller le processus électoral mais qui fait du "tout sauf Gbagbo", sa seule ligne de conduite depuis 2002.

Il n'est donc pas surprenant que les fraudes massives au Nord aient été ignorées. Il n'est pas étonnant que ce soient les ambassadeurs français et américains qui aient, en personne, conduit le président de cette commission dans le Qg de campagne de l'adversaire de Gbagbo pour légitimer cette mascarade électorale. Mr Bakayoko peut jouir maintenant de cet exil doré qui lui est offert à Paris pour services rendus...

On n’est pas loin d’ un coup de force électoral. Qu’il était illusoire de prétendre tenir des élections libres et transparentes dans des zones contrôlées par des rebelles en armes!
Mr Choi a failli à sa mission de réunir le pays avant les élections. Et contrairement à ses allégations, la victoire qu'il valide n'est pas incontestable. Si tel était le cas, nous aurions tous applaudi l'alternance démocratique en Côte d'Ivoire.
Ceux-ci représentent-ils toute la communauté internationale? A-t-on entendu Hu Jintao ou Medvedev vociférer avec les loups? Les initiés le savent, au conseil de sécurité, la France a le monopole des initiatives dans son pré-carré.

La CEDEAO elle n'est pas en Côte d'Ivoire au service des Ivoiriens. Son président Goodluck Jonathan, a personnellement financé la campagne de Ouattara. Tout le monde sait le rôle joué par Wade d'abord en étant le premier sur la scène internationale à reconnaître la rébellion ivoirienne, ensuite en s'ingérant, dans l'entre-deux tours, de manière grossière dans les affaires ivoiriennes. Personne n'ignore l'implication de Compaoré, dont le territoire sert de base arrière aux rebelles depuis 2002. Espèrent-ils un retour sur investissement? Evoquer un complot international en désignant tous ces pays est un minimum.
Ceux-là ne représentent pas l'Afrique. Car l'Afrique digne des Mandela, Thabo Mbeki, Rawlings, Kuffuor etc., reste silencieuse. Jusqu'à quand?

Le conflit ivoirien était jusqu'à présent brouillé et illisible. L'éclatement du contentieux électoral de 2010 a permis de dénouer ce nœud alambiqué. Dans ce luxueux hôtel de la capitale économique ivoirienne, se retrouvent confinés la rébellion et tous ses soutiens internes et externes ; politiques, diplomates et militaires.
Depuis Paris, "le parrain", lui, semble perdre patience. Il s'énerve, s'agite et menace. Il encourage un coup de grâce, là où il faut réconcilier les Ivoiriens.
Dix sept ans maintenant que le pays vit sous le rythme de coups d'Etat militaire et constitutionnel, rébellion armée, de complots (qu'ils soient du cheval blanc, de la Mercedes noire ou internationaux).
La françafrique, écrivait, il y a douze ans, François-Xavier Vershave, est le plus long scandale de la République. S'il réussit, ce coup de force de la CEDEAO, téléguidé depuis Paris, sera l'aboutissement du coup d'Etat le plus long de l'histoire. Le coup d'Etat permanent.

1) La résidence de Guéï, où veille un cheval blanc, est attaquée. Le cheval blanc est criblé de balles. La rumeur publique prête au général des pouvoirs mystiques. Ce dernier prenant la forme d'un cheval pour échapper à ses ennemis.
(2) Une limousine noire, escortée d'un convoi de 4x4, qui venait du Nord fait route vers Bouaké. Dans le même temps, des éléments armés à Abidjan, attaquent la résidence du président Gbagbo.
(3) Rapport AFR 31/07/2003 rendu public le 27 février 2003, intitulé "une suite de crimes impunis"
(4) Témoignage de Jean-Jacques Fuentes, ancien pilote et instructeur français de l'armée ivoirienne jusqu' en novembre 2004

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