14 décembre, 2013

Syrie : la rébellion en danger



Des rebelles lors d' affrontements avec les forces pro-gouvernementales, mercredi, à Alep.

Washington et Londres cessent leur aide militaire aux insurgés, après que l'état-major de l'Armée libre a été dévalisé par des radicaux salafistes.

En faisant main basse sur des armes livrées par les Occidentaux aux rebelles modérés, leurs rivaux salafistes ont franchi le Rubicon. En représailles, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont décidé de suspendre leur aide non létale à l'opposition syrienne, qui peine déjà à renverser Bachar el-Assad.
C'est un miniputsch contre l'état-major de l'Armée syrienne libre (ASL), auquel se sont livrés samedi des miliciens salafistes, en s'emparant du dépôt d'armes d'Atmeh, non loin de la frontière turque par où les pièces sont acheminées. Plusieurs douzaines de missiles antichar et antiaérien auraient été dérobées, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, basé à Londres. «Maintenant, tous nos stocks sont vides, se plaint un gradé de l'ASL, cité par le quotidien saoudien Asharq al-Awsat, y compris le bureau du général Idriss», le chef de l'ASL adoubé par les Occidentaux. Mardi, les radicaux islamistes ont poussé leur avantage, en prenant le contrôle du poste-frontière voisin de Bab el-Awa, tenu jusque-là par différents groupes liés à l'ASL.

Double jeu des pays du Golfe

Alors que la France a décidé de maintenir ses livraisons d'armes non létales à l'ASL, Américains et Britanniques cherchent, de leur côté, à «éclaircir la situation». Leur décision est-elle définitive ou s'agit-il d'une pression exercée sur des islamistes qui refusent de participer à la Conférence internationale qui aura lieu le 22 janvier dans la ville suisse de Montreux en vue d'une transition négociée du pouvoir à Damas? Toujours est-il que ces nouveaux développements illustrent une fois de plus la montée en puissance des composantes salafiste et djihadiste au sein de la rébellion, et les défis que cela pose aux Occidentaux dans la gestion de la crise.
«Un mythe est tombé, constate un diplomate onusien au Proche-Orient. Au moins, maintenant, on sait que l'ASL n'était qu'un label, et qu'elle n'existe plus.» Problème: c'est le vecteur d'influence des Occidentaux sur le terrain. Conscients de ces lacunes, Européens et Américains avaient bien pris langue avec une demi-douzaine de bataillons salafistes, qui se sont regroupés fin novembre dans un Front islamique, après avoir rompu avec l'ASL. Mais depuis, les tensions sont encore montées d'un cran entre les deux pôles de l'insurrection, faisant le jeu d'un régime qui progresse sur le terrain, et de groupes djihadistes, notamment du principal d'entre eux, l'Etat islamique au Levant et en Irak, qui détient de nombreux otages.
Ce «coup» porté à l'ASL renforce également ceux qui s'opposent aux livraisons d'armes aux rebelles syriens, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe. Ils ne cessent de mettre en garde contre les risques de voir ces armes finir entre les mains des djihadistes, qui combattent également pour établir un califat sur la Syrie post-Assad. La menace salafiste est si forte que de plus en plus de voix aux États-Unis et en Europe plaident pour une reprise de la coopération sécuritaire avec le régime Assad, maillon indispensable pour juguler l'afflux de près de 2 000 jeunes Européens et Américains attirés par le djihad syrien. «Certains rebelles laïques sont même repassés du côté de l'armée», reconnaissait récemment un diplomate français.
L'épisode d'Atmeh met également en relief le double jeu pratiqué par certaines monarchies du Golfe, certes alliées des Occidentaux contre Assad, mais qui sur le terrain sponsorisent des groupes salafistes, comme l'Armée de l'islam et Ahrar al-Cham, membres du nouveau Front islamique. «Zahran Alloush (le chef de l'Armée de l'islam) et Abou Tal'ha (d'Ahrar al-Cham) occupent maintenant le fauteuil du général Idriss», grogne l'officier de l'ASL, cité par le journal saoudien. D'où les rumeurs de fuite vers le Golfe du général Idriss, démenties jeudi par l'ASL.

Les espions français refont le chemin de Damas, mais reviennent bredouilles

Après les Allemands, les Espagnols et les Italiens, deux agents des services de renseignements français sont allés à Damas discuter avec leurs homologues syriens du problème posé par la présence de plus de 400 djihadistes français. Paris s'opposait, jusqu'alors, à toute reprise d'une coopération sécuritaire avec Damas. Mais la DGSE et la DCRI sont inquiètes du nombre croissant de Français engagés dans le djihad syrien. «D'accord, a répondu leur interlocuteur, mais à la condition que vous rouvriez votre ambassade», fermée en février 2012. Condition jugée inacceptable par la France. «Pas de coopération politique, pas de coopération sécuritaire», avait déjà affirmé Bachar el-Assad au Figaro en septembre.

lefigaro.fr

L'adieu à Nelson Mandela : le prix Nobel entame son dernier voyage

MANDELA - L'ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, a offert un dernier hommage émouvant à Nelson Mandela samedi 14 décembre au matin sur l'aéroport militaire de Pretoria, avant le transfert du corps vers Qunu, le village de son enfance, où il sera inhumé dimanche. Son cercueil, drapé dans les couleurs de l'Afrique du Sud démocratique dont il a été le premier président, a été transféré tôt le matin de l'hôpital vers la base aérienne militaire de Waterkloof près de Pretoria.
Extrait avec précaution du corbillard, le cercueil a été ensuite recouvert de vert émeraude, couleur du Congrès national africain (ANC), le parti de Mandela dont il fonda et anima la branche armée Umkhonto we Sizwe (La Lance de la nation) à partir de 1961, et auquel il montra toute sa vie une fidélité sans faille.
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"J'ai vu son armée, j'ai vu son peuple, j'ai vu les Sud-Africains ordinaires"
Mandla, l'aîné masculin des petits-fils de Mandela, en complet sombre, a longuement retracé la vie de son grand-père. "Ces derniers jours, je suis resté auprès de mon grand-père tandis que son corps était exposé", a déclaré Mandla, "j'ai vu son armée, j'ai vu son peuple, j'ai vu les Sud-Africains ordinaires, qui ont parcouru avec lui ce long chemin vers la liberté", a-t-il dit.
En trois jours, de mercredi à vendredi, jusqu'à 100.000 Sud-Africains se sont inclinés devant la dépouille de Nelson Mandela exposée à Pretoria, quelques impatients ayant même débordé la police vendredi pour pouvoir poser un dernier regard sur leur héros. Mardi, le monde lui avait rendu un hommage officiel dans le stade de Soweto en présence d'une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement.
Mandla a raconté, en guise de souvenir, qu'il entendait dans son enfance les habitants des township crier "Amandla" (Pouvoir!) et "Viva Mandela!". "Je croyais que j'étais un enfant très populaire", a-t-il dit, arrachant un sourire grave à l'assistance et à la famille, dont l'épouse de Mandela Graca Machel, 68 ans, et son ex-épouse Winnie Madikizela-Mandela, le visage marqué.
"Nous avons besoin d'autres Madiba pour que notre pays puisse prospérer"
Puis le président Jacob Zuma a rendu son propre hommage, insistant sur les qualités de leader du défunt, sa force de persuasion mais aussi sa capacité à pardonner. "La question, a dit M. Zuma, est: pouvons-nous produire à l'ANC d'autres Madiba? (...) Nous avons besoin d'autres Madiba pour que notre pays puisse prospérer";
"Oui, nous sommes libres, mais le défi de l'inégalité demeure. La pauvreté demeure. Le chômage demeure, et c'est pourquoi notre défi à tous en mémoire de Madiba est de nous impliquer plus pour faire ce que Madiba a fait", a-t-il ajouté. Debout devant deux grandes affiches d'un Madiba tout sourire, surlignées des mots: "L'icône de notre lutte, le père de notre Nation", le président Zuma a ensuite entraîné l'assistance dans un long et profond chant d'hommage à Mandela, selon la tradition sud-africaine.
Les rites du peuple Xhosa
Selon le programme de la cérémonie, au dos duquel le poème préféré de Mandela "Invictus" a été imprimé, l'avion transportant le cercueil devait ensuite décoller vers 09h30 (07H30 GMT) à destination de Qunu, avec de l'avance sur le programme initial. Il devait se poser sur l'aéroport de Mthatha, la petite ville la plus proche. Le convoi funéraire devait ensuite faire deux haltes dans la ville, afin de permettre à la foule de dire un adieu à son héros de retour sur la terre de ses ancêtres.
Puis il devait prendre la route de Qunu, sur une trentaine de kilomètres, pour gagner la maison où Nelson Mandela avait passé ses dernières années avant d'être ramené à Johannesburg pour raison de santé. Là s'achèvera le très long chemin du père de la démocratie sud-africaine, mort à l'âge de 95 ans le 5 décembre.
Dimanche matin, une cérémonie regroupant à Qunu environ 5.000 invités sera retransmise à la télévision. C'est après seulement que le corps prendra le chemin du petit cimetière familial, à quelques centaines de mètres. Mandela y sera inhumé auprès de ses parents et de ses trois enfants décédés. La famille a fait savoir que la mise en terre se ferait dans l'intimité la plus stricte. Aucune image télévisée ou photo ne sera autorisée.
Selon la coutume, des rites xhosas, dont l'égorgement d'un boeuf, seront pratiqués et des aînés du clan Thembu, dont était issu Mandela, prendront la parole autour de la tombe. "Des funérailles sont une cérémonie complexe qui demande notamment de communiquer avec les ancêtres et de permettre à l'esprit du défunt de reposer", a expliqué le chef Jonginyaniso Mtirara, du clan Thembu.