La zone d’identification de la défense aérienne
récemment définie unilatéralement par la Chine irrite Tokyo. Mais c'est
surtout le président américain, Barack Obama, que Pékin cherche à
atteindre.
Après que la Chine a annoncé, le 23 novembre, avoir délimité une "zone
d’identification de la défense aérienne" induisant des règles très
strictes pour les avions qui la traversent, les grandes puissances
voisines, et le Japon en particulier, ont vivement réagi. Dans la presse
nippone, on dénonce unanimement le tracé de ce périmètre, considéré
comme "injustifié".
L’Asahi Shimbun comme le
Yomiuri Shimbun, deux des principaux titres de l’archipel, y voient une "provocation de plus" de la part de Pékin.
Rappelons
que la zone définie par Pékin englobe les îles Senkaku (Diaoyu en
chinois), qui font l’objet d’un conflit territorial depuis plusieurs
années entre les deux géants asiatiques. "Depuis les Jeux olympiques de
2008, Pékin a adopté une attitude plus agressive [vis-à-vis de ces îles
sous autorité japonaise depuis le XIXe siècle], faisant de régulières
incursions navales et aériennes dans ce territoire disputé",
rappelle le Financial Times.
Après l’annonce de l’instauration de cette zone, les tensions sont montées d’un cran en Asie de l’Est.
Le
site d’information japonais Foresight rappelle toutefois que
"les
Etats-Unis sont les premiers à avoir instauré unilatéralement une zone
de défense aérienne dans cette région après 1945. Mais, comme sa
délimitation est floue, elle engendre des tensions". La presse chinoise
adopte exactement le même type d’arguments : "La notion de zone
d’identification de la défense aérienne a été inventée par les
Etats-Unis; elle concernait dans un premier temps l’espace aérien
entourant l’Amérique du Nord et visait notamment l’Union soviétique",
précise l’hebdomadaire indépendant Yazhou Zhoukan,
édité à Hong Kong. "Depuis les années 1950, Les Etats-Unis sont en
position dominante dans les régions du Pacifique Ouest, de la Corée du
Sud, du Japon et de Taïwan, qui ont chacun créé leur zone aérienne sous
contrôle des Etats-Unis." Dès lors que ce contexte est connu, "on ne
s’étonnera pas de la décision du ministère chinois de la Défense",
poursuit l’hebdomadaire.
Le conflit lié aux îles SenkakuLe quotidien de l’Armée populaire de libération
va encore plus loin dans son argumentaire pour justifier la décision de
Pékin : "En 1969, le Japon a inclus dans sa zone d’identification de
défense aérienne les trois quarts de la zone aérienne de la mer de Chine
orientale, dont une partie est à seulement 130 kilomètres de la Chine
continentale. C’est ainsi depuis des dizaines d’années, et certains pays
ne s’en sont jamais souciés. Or, dès que la Chine encadre sa zone, le
Japon manifeste aussitôt son inquiétude. Bien évidemment, Pékin ne peut
accepter ce double critère et cette logique hégémonique", conclut
l’éditorial de l’organe de l’armée chinoise.
Pour le
Financial Times, ce n’est pas tant Tokyo que
Washington qui est visé par l’initiative chinoise. Dans une analyse
intitulée "La Chine lance un défi à l’Amérique", par ailleurs traduite
dans les colonnes du Nihon Keizai Shimbun,
le quotidien britannique avance une "interprétation inquiétante mais
plausible : Pékin a décidé de régler son compte à Washington dans le
Pacifique Ouest". Dans le conflit lié aux îles Senkaku, les Etats-Unis
ont soutenu leur allié nippon, rappelant à qui voulait l’entendre que
ces territoires relèvent du traité de coopération mutuelle et de
sécurité signé entre les deux pays.
La Chine,
estime le Financial Times,
"est en train de tester l’engagement américain. Elle cherche à savoir
jusqu’où Obama est prêt à aller. […] Cette provocation de Pékin
intervient de surcroît dans une période où les Etats-Unis sont épuisés
par leurs guerres [en Irak et en Afghanistan] et où le président connaît
l’une des périodes les plus troublées de sa présidence". Conclusion du
quotidien économique : "La création de cette zone de défense aérienne
par la Chine constitue un tournant important pour l’équilibre des forces
de cette région."