Les présidents Barack Obama et Hassan Rohani se sont parlé au téléphone vendredi, un contact sans précédent à ce niveau entre les Etats-Unis et l’Iran depuis la révolution islamique de 1979. «A l’instant, je viens de parler avec le président iranien Rohani», a déclaré le président Obama lors d’une intervention à la Maison Blanche peu après 15H30 (19H30 GMT).
Il s’agissait d’une annonce aussi inattendue que spectaculaire alors que les Etats-Unis et l’Iran ont rompu leurs relations diplomatiques en 1980, dans la foulée de la révolution islamique, et s’opposent au sujet d’un programme nucléaire érigé par Téhéran en symbole de sa souveraineté. Rohani, qui a pris ses fonctions le mois dernier après avoir bénéficié du soutien des réformateurs, a multiplié depuis les ouvertures envers l’Occident, à rebours des diatribes enflammées de son prédécesseur ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad.
Ces déclarations «constructives» ont été relevées par Washington, qui a toutefois exigé des «actes» pour envisager une levée des sanctions qui ont eu un effet dévastateur sur l’économie iranienne. «Nous avons discuté de nos tentatives en cours de parvenir à un accord sur le programme nucléaire iranien», a ajouté le dirigeant américain, qui dès 2007, au début de sa première campagne présidentielle, s’était dit prêt au dialogue avec la république islamique.
Le gouvernement iranien a ensuite confirmé cet appel, annoncé également sur son compte Twitter par le président Rohani juste avant que son homologue américain prenne la parole. Les deux présidents «ont insisté sur la volonté politique de résoudre rapidement la question nucléaire et de préparer la voie pour résoudre d’autres questions ainsi que de coopérer sur les affaires régionales», a annoncé le site internet de la présidence à Téhéran.
Selon le site, les deux présidents se sont aussi mis d’accord pour confier à leurs chefs de la diplomatie -- le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et le secrétaire d’Etat américain John Kerry -- la mission de préparer «dès que possible» les conditions pour une «coopération nécessaire».
Première discussion directe entre des dirigeants américain et iranien depuis plus de 30 ans, l’entretien téléphonique a eu lieu alors que M. Rohani «était en route pour l’aéroport pour quitter New York». Il achevait cinq jours de visite à l’occasion de l’assemblée générale des Nations unies.

«Histoire difficile»

Selon un haut responsable américain s’exprimant sous couvert de l’anonymat, c’est Rohani qui a demandé à parler à Obama avant de quitter les Etats-Unis. De même source, tous deux ont discuté via des interprètes mais se sont souhaité au revoir en farsi pour Obama et en anglais pour Rohani. «Nous sommes conscients de toutes les difficultés qui nous attendent», a ajouté Obama, trois jours après avoir prononcé à l’ONU un discours dans lequel il s’était dit disposé à donner une chance à la diplomatie pour tenter de résoudre le dossier nucléaire, contentieux majeur entre Téhéran et l’Occident. «Le simple fait que (cet appel) était le premier contact entre des présidents américain et iranien depuis 1979 illustre la profonde méfiance régnant entre nos deux pays», a remarqué Obama.
Mais cette conversation «montre aussi une possibilité de surmonter cette histoire difficile», a estimé Obama. «Je pense qu’il y a une base pour une solution» avec Téhéran, a-t-il assuré. Les Etats-Unis et leurs alliés soupçonnent la république islamique de vouloir se doter d’une bombe nucléaire sous couvert d’un programme civil, ce que l’Iran dément.
Jeudi à New York, MM. Kerry et Zarif avaient discuté du nucléaire lors d’une rencontre déjà historique. Celle-ci s’était déroulée à l’issue d’une réunion déjà sans précédent entre  Zarif et ses homologues des grandes puissances --dont Kerry-- durant lesquels tous s’étaient accordés pour de nouvelles négociations sur le nucléaire iranien à Genève les 15 et 16 octobre prochains. Lors de son séjour new-yorkais, Rohani a multiplié les gestes de bonne volonté, affichant sa volonté de dialogue avec Washington.
Il a aussi condamné «le massacre des juifs par les nazis», prenant le contre-pied de Ahmadinejad qui avait nié l’Holocauste à la tribune des Nations unies, tout en ajoutant que ce «crime» ne justifiait pas «l’occupation» israélienne, également «condamnable». Il s’est aussi élevé contre les sanctions imposées à son pays.
Le haut responsable américain a expliqué que la Maison Blanche avait informé le Congrès de cet appel, mais aussi Israël. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, attendu lundi à la Maison Blanche pour des entretiens avec Obama, a accusé Rohani de chercher à «gagner du temps» pour progresser dans le programme nucléaire. Selon le responsable américain, «il est parfaitement compréhensible que le gouvernement israélien soit profondément sceptique» vis-à-vis de M. Rohani.
Obama et Rohani se trouvaient tous deux au siège de l’ONU à New York mardi, alimentant les rumeurs d’une poignée de main. Celle-ci n’a finalement pas eu lieu, bien que les Etats-Unis y aient été disposés selon un haut responsable américain. De même source, les Iraniens avaient décliné une proposition de rencontre informelle, estimant qu’elle serait «trop compliquée à réaliser à l’heure actuelle».
AFP