Le
président Obama manque de temps et doit choisir la meilleure des pires
options. C'est la première fois depuis des décennies que les USA sont
délaissés par leurs alliés.
Mais même après le refus de leur principal allié, le Royaume-Uni, de
participer à la campagne syrienne, les Etats-Unis continuent d’insister
sur la formation d'une coalition internationale pour intervenir.
La situation d'Obama est encore aggravée par le fait qu'elle résulte
de nombreuses erreurs de la diplomatie américaine au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord. Alors quel choix reste-il à Obama? Et en a-t-il
vraiment un?
Le Printemps arabe, les erreurs des Américains
L'investiture du président démocrate Barack Obama en janvier 2009, a
suscité des espérances excessives au Proche (Moyen)-Orient et en Afrique
du Nord, qui se sont encore renforcées après le discours prononcé par
M.Obama le 4 juin à l'université du Caire. M.Obama a notamment appelé à
mettre fin à la période de suspicions et de différends entre l'Occident
et le monde islamique.
Obama n'a pas réussi à le concrétiser, entraînant une profonde
déception générale contre lui et détériorant encore l'image des USA dans
les régions mentionnées.
A première vue
le Printemps arabe,
qui a commencé à la mi-décembre 2010, a créé de sérieuses opportunités
pour les USA pour rétablir leur influence dans le monde musulman. Les
Américains ont toujours travaillé aussi bien avec les gouvernements
qu'avec l'opposition. En cette période d'éveil "démocratique" ils ont
facilement abandonné les "tyrans", si loyaux en la personne de
Hosni Moubarak en Egypte ou de
Ben Ali en Tunisie.
Washington pensait réussir à contrôler les islamistes modérés en les
plaçant à la tête de nouveaux gouvernements pro-occidentaux. Et il a
fait une énorme erreur de calcul.
En réalité les islamistes se cachaient uniquement derrière les
slogans démocratiques pour accéder au pouvoir. Par la suite ils ont
commencé à mettre en place des régimes bien plus stricts que les
précédents, fondés sur le respect littéral des traditions islamiques.
Sans pour autant régler les graves problèmes socioéconomiques. La
Tunisie, la Libye et l’Egypte en sont des exemples.
Barack Obama ne voulait alors pas vraiment s'impliquer dans les
conflits armés qui s'enchaînaient dans les pays arabes. Mais il ne
pouvait pas non plus lâcher ses alliés proches – la France et le
Royaume-Uni - en Libye. C'est seulement grâce au soutien des Américains
qu'il a été possible de renverser définitivement la situation en faveur
de l'opposition armée.
Mouammar Kadhafi a été renversé et tué: une victoire à la Pyrrhus. La
Libye s'est retrouvée morcelée en plusieurs régions contrôlées par les
islamistes radicaux. L'assassinat de l'ambassadeur américain Christopher
Stevens et de ses collègues le 11 septembre 2012 à Benghazi a été une
suite logique des événements.
La politique régionale américaine a connu son plus grand échec en Egypte, Etat le plus peuplé du monde arabe.
Début juillet 2013, les militaires ont repris le pays, au seuil d'une
guerre civile, au président islamiste Mohamed Morsi. L'administration
Obama s'est retrouvée dans l'impasse et a été forcée de déclarer qu'elle
ne considérait pas les événements d’Egypte comme un coup d'Etat
militaire - mais a exigé de libérer Mohamed Morsi.
En parallèle, le Caire a subi des pressions politiques, militaires et
économiques. Cependant, le nouveau gouvernement soutenu par l'Arabie
saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït a fait preuve de fermeté
et a lancé un défi à Washington.
Avec la Syrie, tout est allé de travers
En Syrie les USA se devaient de réagir, au regard de cette situation
régionale défavorable. Et voici que les commanditaires de l'attaque
chimique à Ghouta près de Damas, dans la nuit du 20 au 21 août 2013,
leurs viennent en aide. Selon diverses sources, entre 300 et 1.300
personnes ont été tuées – un nombre de victimes suffisant pour lancer
une opération militaire sous le drapeau de la délivrance de la région et
du monde face au danger des armes de destruction massive.
Immédiatement, toute la responsabilité a été rejetée sur Assad, qui
s'est vu proférer des menaces de bombardement à l'instar du président
George W.Bush contre Saddam Hussein en 2003. Les Américains, soutenus
par leurs alliés, étaient donc supposés attaquer la Syrie pour rétablir
leur autorité dans la région et permettre à Barack Obama de renforcer sa
position dans son pays.
A l’origine de ce plan pourrait se trouver la nouvelle conseillère
d'Obama pour la sécurité nationale, Susan Rice, qui a une réputation
controversée au poste d'ambassadrice américaine auprès de l'Onu.
Mais tout est allé de travers. Premièrement, il s'est avéré qu'il n'y
avait pas de moyens d'attaque. Les navires de guerre américains en
Méditerranée n'ont pas plus de 300 Tomahawk de croisière embarqués.
Selon les estimations des militaires russes, cela suffirait seulement
à détruire une vingtaine de cibles stationnaires. Et si les attaques
visaient des sites comme les aérodromes militaires, l'efficacité serait
extrêmement basse compte tenu de leur capacité rapide de remise en état
opérationnel.
Dans ces conditions, les Etats-Unis peuvent uniquement entreprendre
une attaque de démonstration, qui ne pourrait pas réduire
significativement le potentiel de l'armée syrienne et témoignerait
seulement de la faiblesse des Américains.
Evidemment les USA disposent de bases militaires en Turquie et en
Jordanie. Mais cela est clairement insuffisant pour organiser une
opération militaire sérieuse.
Il serait également difficile d'utiliser contre la Syrie les
nombreuses bases américaines du Golfe. Leur éloignement géographique de
la région s'élève en effet à 1.500 km pour un rayon d'action de
l'aviation tactique qui plafonne à 800 km.
Le redéploiement des navires et des avions depuis le Golfe
demanderait plus d'une semaine - mais il serait alors trop tard. Le
problème chimique, dont la gravité a été exagérée, paraîtra moins
sensible et il sera alors difficile de persuader la population
américaine qu'il faut absolument bombarder la Syrie.
Deuxièmement, même les alliés proches des Etats-Unis comme
l'Allemagne ne sont pas convaincus que c'est armée syrienne qui a
utilisé l'arme chimique à Ghouta. Ils exigent d'attendre au moins la fin
de la mission d'enquête de l'Onu et la présentation de ses résultats au
Conseil de sécurité des Nations unies.
Washington se retrouve donc dans une situation très inconfortable car
le sommet du G20 des 5-6 septembre à Saint-Pétersbourg
approche. Une intervention en Syrie avant cet événement nécessiterait
de sérieuses explications en l'absence éventuelle de preuves. D'autant
que le programme du sommet prévoit une rencontre entre Barack Obama et
Vladimir Poutine, où le président russe attendra de son homologue
américain des arguments clairs. Sinon la Russie pourrait, par exemple,
renforcer son groupe naval dans l'est de la Méditerranée grâce à la
puissante flotte du Nord et reprendre immédiatement les livraisons
d'armes en Syrie.
Ensuite, les congressistes américains sont loin d'être tous
convaincus du besoin d'une opération militaire en Syrie, y compris pour
des raisons financières.
Dans les conditions d'une réduction significative du budget du
Pentagone, ces actes pourraient demander la révision des plans d'achat
de nouveaux armements ainsi que de nouveaux travaux de recherche et de
développement.
Enfin, même la Grande-Bretagne ne pourra pas soutenir à court terme
l'opération américaine, puisque son parlement s'est prononcé contre
l'intervention militaire en Syrie.
Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se trouve dans une
position similaire. Il voudrait bien renverser Bachar al-Assad par la
force mais pas au prix de sa propre carrière politique.
Le choix du moins pire
Obama se retrouve donc en crise de temps et doit choisir la moins
pire des options. C'est la première fois depuis des décennies que les
USA se retrouvent dans un isolement politique.
Evidemment, ils pourraient lancer une frappe démonstrative en Syrie
mais cela ne règlerait rien et accélérerait la chute de leur leadership
politique dans le monde.
La seconde option semble plus raisonnable: s'abstenir d'attaquer et
continuer à chercher une solution politique et diplomatique au problème
syrien dans le cadre de
la conférence internationale Genève-2.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction
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