Alors
que Washington et l’Europe tentent d’user de leur influence pour faire
cesser la répression contre les islamistes en Egypte, le Premier
ministre égyptien du pouvoir installé par l’armée persiste et signe,
affirmant que Le Caire peut se débrouiller sans les aides occidentales.
Le Premier ministre Hazem Beblawi a prévenu mardi les
Américains qu’ils commettraient une erreur s’ils suspendaient leur aide
militaire annuelle de 1,3 milliard de dollars. Mais “n’oublions pas que
l’Egypte a vécu avec le soutien militaire de la Russie et que nous avons
survécu. Ce ne serait donc pas la fin du monde”, a-t-il affirmé dans un
entretien à la télévision américaine
ABC News.
Au même moment, le président Barack Obama réunissait son
équipe rapprochée à Washington. Un porte-parole de la Maison Blanche a
formellement démenti mardi la suspension de l’aide américaine à l’Egypte
tandis qu’un haut responsable de la Maison Blanche expliquait sous
couvert d’anonymat, après la rencontre, que c‘était la politique
américaine toute entière vis-à-vis de l’Egypte qui était en cours
d’examen, pas simplement la question de l’aide à ce pays.
La question d’une suspension partielle des aides
financières européennes ou d’une remise en cause des accords, comme
moyen de pression sur les autorités égyptiennes, sera également discutée
mercredi à Bruxelles par les ministres des Affaires européens qui
cherchent à conserver un rôle de médiation entre l’armée et les Frères
musulmans, alors que l’influence de l’Europe est de plus en plus
contestée par les pays fortunés de la région.
Mardi, le pouvoir installé par l’armée en Egypte a porté
un rude coup aux Frères musulmans, fervents partisans du président
destitué Mohamed Morsi, en arrêtant leur Guide suprême qui sera jugé
dimanche pour “incitation au meurtre”.
L’arrestation de Mohamed Badie et sa mise en détention
provisoire pour 15 jours est le dernier d’une série de revers infligés
par les autorités au mouvement islamiste engagé depuis six jours dans
une épreuve de force extrêmement sanglante avec les forces de l’ordre
ayant fait près de 900 morts, en majorité des manifestants pro-Morsi.
Arrestation pour “incitation à la violence”
Après l’arrestation de M. Badie, les Frères ont nommé
Mahmoud Ezzat Guide par intérim. Ce dernier “a la réputation d‘être un
faucon”, note Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut des
relations internationales et stratégiques (
IRIS). “Il pourrait s’agir d’un signal envoyé, montrant qu’on peut répondre à l’autoritarisme par un autre autoritarisme”.
L’un des dirigeants de la coalition pro-Morsi a affirmé à l’
AFP
qu’une “énorme manifestation” était prévue vendredi pour poursuivre la
mobilisation contre la destitution et la détention le 3 juillet par
l’armée de M. Morsi.
Ces derniers jours, les islamistes ne sont toutefois pas
parvenus à réunir les cortèges de manifestants qu’ils appellent à
manifester quotidiennement.
Mais les images diffusées en boucle par les télévisions
locales, acquises à la cause de l’armée et vantant la méthode forte
contre le “terrorisme des Frères musulmans”, montrant M. Badie, l’air
prostré, habillé d’une simple gellabiya, la longue tunique
traditionnelle, pourraient attiser la colère de ses partisans.
M. Badie, 70 ans, a été arrêté avant l’aube dans un
appartement de la capitale puis transféré à la prison de Tora au Caire,
où se trouvent ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi,
avec lesquels il sera jugé dimanche pour “incitation au meurtre” de
manifestants anti-Morsi.
La Maison Blanche a critiqué mardi cette arrestation,
estimant que le gouvernement avait trahi par cette action “son
engagement à un processus politique rassembleur”.
Moubarak et Badie dans la même prison
Egalement détenu à Tora, Hosni Moubarak, le président
chassé du pouvoir par une révolte populaire début 2011, déposera
mercredi une demande de libération conditionnelle dans le cadre d’une
affaire de corruption, la dernière pour laquelle il est encore détenu.
Depuis le début des manifestations pro-Morsi, des
centaines de responsables des Frères musulmans ont été arrêtés, dont le
chef de leur parti politique et ex-président du Parlement Saad
al-Katatni.
Quant à M. Morsi, qui était accusé par ses détracteurs et
des millions de manifestants fin juin d’accaparer le pouvoir et d’avoir
achevé de ruiner une économie déjà exsangue, il est sous le coup d’un
nouveau chef d’accusation: “complicité de meurtre et de torture” de
manifestants.
Rien ne semble arrêter l’armée dans sa répression des
Frères musulmans qui avaient remporté coup sur coup depuis 2011 les
premières législatives puis présidentielle libres du pays, ce qui fait
planer la menace d’un retour des islamistes à la clandestinité et une
radicalisation de certains d’entre eux comme lors des années 1990
émaillées d’attentats sanglants.
Le cycle des violences a été relancé avec la mort en
moins de 24 heures de 25 policiers dans l’attentat le plus meurtrier
depuis des années au Sinaï et le décès de 37 détenus, tous Frères
musulmans, asphyxiés dans un fourgon pénitentiaire, selon la police lors
d’une tentative d‘évasion. Le camp de M. Morsi a dénoncé un
“assassinat” et l’
ONU a réclamé une enquête.
Malgré le tollé international et l’engrenage de la
violence dans lequel est pris le pays —sous état d’urgence et couvre-feu
nocturne—, la présidence intérimaire a assuré mardi que la première
étape de la transition politique était terminée, affirmant que les
premiers amendements constitutionnels avaient été élaborés dans les
temps et seraient maintenant soumis à une commission dont les 50 membres
doivent encore être choisis.
Le chef de l’armée et nouvel homme fort de l’Egypte, le
général Abdel Fattah al-Sissi, a martelé dimanche que son pays ne
plierait pas devant les “terroristes”.
Le secrétaire général adjoint de l’
ONU
pour les affaires politiques Jeffrey Feltman est arrivé mardi matin au
Caire pour une série d’entretiens jusqu‘à vendredi avec les autorités
égyptiennes et des responsables des Frères musulmans.
L’objectif de cette visite est de tenter de “définir comment l’
ONU
pourrait soutenir au mieux des initiatives afin de restaurer la paix et
d’oeuvrer à la réconciliation en Egypte”, a déclaré le porte-parole de
l’
ONU Martin Nesirky.
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