Le
président zimbabwéen Robert Mugabe, au pouvoir depuis 33 ans, se
préparait vendredi à une victoire électorale écrasante sur son rival
Morgan Tsvangirai avec l’aval des observateurs africains, malgré de
sérieux doutes quant à l’honnêteté du scrutin.
Le résultat officiel de ce premier tour de la
présidentielle n’est théoriquement pas attendu avant lundi. Mais les
premiers chiffres des législatives donnent au parti de M. Mugabe, plus
vieux chef d’Etat africain au pouvoir depuis l’indépendance en 1980, un
score presque soviétique.
Son propre camp a affirmé que “le président devrait avoir
de 70 à 75%” à la présidentielle. Un haut responsable de la Zanu-PF,
membre du bureau politique, a indiqué à l’
AFP
avoir obtenu “la super majorité et déjà dépassé les deux tiers” à
l’Assemblée, un score dont le décompte officiel de la Commission
électorale s’approchait en début de soirée.
Selon les derniers résultats officiels portant sur 186
sièges, la Zanu-PF aura en effet au moins 137 sièges sur 210 à
l’Assemblée où le
MDC de Morgan Tsvangirai, le
rival de Mugabe, était majoritaire depuis 2008.. Une majorité des deux
tiers permettrait à M. Mugabe de modifier la Constitution, un texte
relativement libéral tout juste adopté en mars.
Privé de victoire en 2008 par la violence des partisans
de M. Mugabe, Morgan Tsvangirai n‘était cependant pas prêt de s’incliner
après une élection qu’il a qualifiée d’“énorme farce”.
Organisé à la va-vite, le scrutin a vu notamment de
nombreux électeurs absents des registres ou inscrits ailleurs que dans
leur bureau habituel, notamment dans les villes. Les listes n’ont été
publiées que la veille du vote, rendant impossible une vérification ou
des recours.
Mince marge de maneuvre
Vendredi, le
MDC de M.
Tsvangirai a annoncé qu’il “rejetait ces élections et ses conséquences,
ce qui inclut le gouvernement qui en résultera”, renvoyant poliment la
Communauté de développement d’Afrique australe (
SADC) à ses contradictions.
“Nous avons examiné la déclaration de la mission des observateurs de la
SADC nous suppliant d’accepter les résultats de l‘élection. Nous rejetons cet appel pour la raison que même la
SADC n’a pas réussi à entériner l‘élection comme honnête”, a expliqué un porte-parole du
MDC.
Le parti doit préciser sa stratégie lors d’une conférence de presse samedi.
La marge de manoeuvre du camp Tsvangirai est cependant
mince. Désuni, il est affaibli par quatre ans de cohabitation
relativement impuissante avec M. Mugabe et sa volonté d’en découdre par
la résistance passive n’a rencontré jusqu‘à présent aucun écho
populaire.
La
SADC est l’organisation
régionale qui a piloté les efforts de médiation pour éviter une guerre
civile en 2008, imposant M. Tsvangirai comme Premier ministre et
exigeant au passage une démocratisation des médias et de l’armée qui ne
s’est pas matérialisée.
En l’absence d’observateurs occidentaux, elle porte la
lourde responsabilité de défendre la démocratie pour le compte des
Zimbabwéens et de la communauté internationale, sans céder à la
tentation de prolonger la “pax Mugabe” pour éviter de nouvelles
violences.
“Les élections, compte tenu des circonstances, se sont
bien passées et il n’y a pas de raison de les annuler”, a déclaré le
chef de sa mission, le Tanzanien Bernard Membe.
“Nous disons que cette élection a été libre, très libre
même… Nous n’avons pas dit qu’elle était honnête, simplement parce la
question de l’honnêteté est vaste et nous ne voulions tirer aucune
conclusion à ce stade”, a-t-il ajouté.
“Mesures populistes assez radicales”
Moins nuancé, son homologue de l’Union africaine,
l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, a salué une élection dans
l’ensemble “libre, honnête et crédible”.
“A long terme, la région paiera probablement le prix pour
avoir acquiescé à ce type d’oppression à laquelle nous assistons au
Zimbabwe depuis trop longtemps”, a commenté Jakkie Cilliers, directeur
de l’Institut des études de sécurité (
ISS) de Pretoria.
Le Zimbabwe se remet à peine d’une décennie de récession
marquée par une inflation galopante et le départ à l‘étranger de
plusieurs millions de personnes.
Une victoire de M. Mugabe pourrait changer la donne. “C’est le retour à une volatilité extrême”, a estimé Iraj Abedian,
PDG
de Pan African Investments à Johannesburg. “Nous pouvons nous attendre à
des mesures populistes assez radicales, qui auront des conséquences
énormes.”
Après les terres agricoles et les mines, les banques et
les sociétés financières pourraient selon lui être les prochaines cibles
d’un nouveau gouvernement Mugabe cherchant à étendre son programme
d’“indigénisation” visant à redistribuer les actifs à des Zimbabwéens
noirs.
“Ce serait provoquer le chaos, mais la Zanu-PF et Mugabe semblent aimer ça.”
En 2008, Morgan Tsvangirai était arrivé en tête du
premier tour de la présidentielle, mais des partisans de M. Mugabe
s‘étaient déchaînés sur leurs adversaires, faisant environ 200 morts.
M. Tsvangirai s‘était retiré entre les deux tours pour
éviter un bain de sang généralisé. Il s‘était ensuite associé au
président à la demande des pays voisins, et était devenu un Premier
ministre, salué pour son esprit de paix mais politiquement relativement
impuissant.
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