Les
critiques à l'égard de la France, qu'elles viennent d'un commissaire
européen ou d'un grand patron français, soulignent cruellement les maux
de l'Hexagone : attentisme, immobilisme, et rejet de toute réforme. Des
travers largement encouragés par le gouvernement qui ne veut surtout pas
se confronter aux vrais problèmes.
Le PDG d'Axa a accusé le président de la république de refuser toutes les réformes et de se contenter de « replâtrage ». Crédit Reuters
« La
France qui maquille ses chiffres et qui triche sur les faits… »
L’accusation violente est d’un commissaire européen qui désespère des
réactions de la gouvernance françaises face aux réalités de la situation
économique.
Henri de Castries, le PDG d’Axa, 1e
Groupe d’assurance qui est pourtant, lui habituellement si policé,
s’est lâché publiquement cette semaine contre son ancien camarade de
promotion à l’ENA , la fameuse promotion Voltaire , en accusant le
président de la république de refuser toutes les réformes et de se
contenter de « replâtrage »…
Les
milieux européens et la presse allemande parle de maquillage, le
milieux d’affaires parlent de replâtrage… on est en gros sur le même
terrain.
La
fin de semaine a donc encore été terrible pour François Hollande parce
que tout, ce qui se passe, les chiffres, les projets, les discours,
tout, démontre que la politique économique française s’installe à
contretemps de la conjoncture mondiale
Pour
les milieux d’affaires, c’est définitivement inquiétant et Pierre
Gattaz élu au Medef à la succession de Laurence Parisot jugée trop
conciliante, sait très bien qu'il doit son élection à l’engagement qu'il
a pris de défendre le parti de l’entreprise. Son père avait été élu
pour renouer le dialogue et trouver des compromis avec François
Mitterrand. Lui sait très bien qu'il a été élu pour faire la guerre
contre la bureaucratie et le conservatisme. Il la fera
Pour
les milieux internationaux, à Bruxelles notamment, la France prend
désormais le risque de plomber la situation des pays européens qui ont
fait d’énormes efforts pour s’en sortir. En Grèce, en Italie , en
Espagne et ou Portugal , on regarde l’immobilisme français avec un brin
de colère . D’où le coup de gueule de Juan Manuel Barroso traitant « la
gouvernance française de réactionnaire et le système français
d’archaïsme ». Le président de la commission s’adressait en fait aux
populations de l’Europe du Sud qui ont fait ce qu'il fallait pour
mériter le bénéfice de la solidarité. Leur douleur n’aura pas été
inutile. Mais pourquoi la France s’exonérerait-elle de ce qu'elle a
demandé aux autres.
Le
procès fait à la politique française est d’agir en permanence à
contretemps de la conjoncture mondiale. Du coup, la France est incapable
de profiter de cette conjoncture quand elle est en phase de reprise.
Plus grave, l’économie française en dépit de sa puissance ne participe
pas à la correction de cette conjoncture quand elle pique du nez. Elle
reste en permanence à côté du film.
Acte
1. Quand François Hollande est arrivé au pouvoir, il y a un an, il a
nié la gravite de la crise. Il a simplement essayé de faire des
ajustements budgétaires en augmentant les ponctions fiscales d’un côté,
et en distribuant des amortisseurs sociaux de l’autre. Le résultat c’est
qu'en terme budgétaire, on n’a pas été capable de redresser les comptes
publics d’où l’obligation d’aller pleurer un délai supplémentaire à
Bruxelles. Mais le résultat c’est aussi qu'en terme économique, ayant
découragé les créateurs de richesse que sont les chefs d’entreprise, la
machine s’est asphyxiée d’où la récession et le chômage. Pendant ce
temps-là, le monde entier, les pays émergents et les Etats unis, sont
sortis de la crise.. Les pays européens du sud, qui ont fait des efforts
considérables pour assainir leurs structures et améliorer leur
compétitivité (le prix des actifs, des salaires et le montant des
dépenses publiques a baissé de 30% en moyenne) ont pu monter dans le
train de la reprise. La Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal sont
sorti de l’enfer. C’est difficile mais ils sont sortis des zones
dangereuses. La France elle, est restée entre deux-eaux
Acte
2, quand l’Elysée à la fin de 2012, s’aperçoit que finalement la France
va rester plantée, la gouvernance décide d’un plan de compétitivité et
promet de faire des réformes de structures (flexibilité du travail,
restrictions budgétaires et retraites). Sauf que la prise de conscience
est trop tardive, les plans compétitivité sont trop compliqués et trop
longs à mettre en œuvre, le CICE par exemple, le crédit d’impôt pour la
compétitivité et l’emploi, est incompréhensible donc inutilisable par la
PME, et les réformes sont homéopathiques. Personne n’y croit
La
réforme des retraites ne touchera pas les points que la gauche a
sanctuarisés : l’âge légal de départ à la retraite, c’est sacré. Le
système de la fonction publique et des régimes spéciaux, c’est sacré.
Enfin ces reformes élimineront toute expérimentation d’un système
complémentaire par capitalisation. La capitalisation reste un tabou, aux
yeux des dirigeants socialistes
Acte
3, la France se berce d’illusions en pensant qu'elle pourrait attendre
et rester en l’état, alors que la conjoncture a déjà changé.
Les banques centrales du monde entier y compris la BCE ont semble-t-il durci un peu leur intervention.
Plus question d’ajouter des liquidités aux liquidités. Pour deux
raisons, d’abord parce qu'il a des risques d’inflation notamment dans
les pays à forte croissance. Ensuite parce que les banquiers centraux
savent que la reprise a touché la planète toute entière sur des bases
relativement saines. Pas question donc de perturber les
équations de croissance avec de la monnaie de singe. Pas question de
refaire l’erreur de l’an 2000 où on a, partout dans le monde alimenté la
spéculation financière. Les milieux financiers et boursiers ont très
vite tire les leçons, l’ensemble des bourses mondiales a chuté cette
semaine dans la perspective d’une raréfaction des liquidités.
Mais
ça ne veut pas dire pour autant que les financiers sont pessimistes.
Ils pensent seulement que la croissance sera désormais plus sélective,
moins financière, moins spéculative. Avec des taux d’intérêt plus élevés
et des rentabilités plus fortes, fondées sur la véritable compétitivité
des entreprises
En
bref, alors que le monde entier se prépare a gérer un ralentissement
plutôt sain de la croissance mondiale, la France en est encore à
chercher les clefs du redressement. On ne pourra pas profiter de la
croissance des autres (il aurait fallu le faire avant), on risque au
contraire de plomber nos partenaires européens . On ne peut pas
être plus à côté de la plaque qu’aujourd hui. D’où la fureur de Barroso
et des européens. D‘où la colère d’un grand patron comme Henri de
Castries. D’où l’avertissement d’un jacques Attali ou d’un Alain Minc
qui disent la même chose : « la France est en train de rater le train de
la modernité et de l’économie mondiale. Et de nous promettre un destin
(un déclin) identique à celui de Venise ».
Tout ce qui s’est passé cette semaine, va à l’encontre des contraintes de la réalité
Quand
les chinois confirment les menaces de fermer les portes du marché
chinois, aux produits français en réactions aux velléités
protectionnistes, la France s’enfonce dans le rapport de force qui sera
perdu d’avance. Ce n’est pas, par une surenchère au protectionnisme
comme se plaît à le crier Arnaud Montebourg qu'il faut répondre, c’est
par un accord des européens pour engager une négociation multilatérale
sur le modèle des accords OMC. Ça passe donc par une relation forte avec
les allemands. Plutôt que d’engager un renforcement de l’unité
européenne, la France se tourne vers Berlin et l’accuse de laxisme à
l’égard des chinois. La partie est perdue.
Quand
l’Insee annonce une prévision économique mauvaise mais que tout le
monde attendait, les ministres de l’économie parlent d’un pronostic qui
ne serait pas plus fiable qu'un pari sportif et François Hollande répète
haut et fort lors de la conférence sociale qu'il fera baisser le
chômage avant la fin de l’année. Ce que personne de sérieux ne peut
croire. Sauf à maquiller les chiffres avec des créations d’emplois
publics. Ce qui est étonnant c’est qu'il n’a aucun doute. C’est la
grande crainte des milieux d’affaires qui sont assez bien renseignés sur
ce que prépare la haute fonction publique. « François Hollande veut
tellement avoir raison sur le terrain politique qu'il est capable de
multiplier les emplois d’avenirs et les contrats aidés...l’unité de
compte maintenant c’est 100 000. Alors qu'il faudrait renforcer les
possibilités de créations d’emplois marchands dans les entreprises..
Décidément rien de changera…»
Les
partenaires sociaux eux-mêmes commencent à être inquiets. Ils ne sont
pas inquiets de l’audace mais… de l’immobilisme. Vendredi, à la fin de
la conférence sociale sensée les préparer à une grande concertation sur
la réforme des retraites, ils étaient complètement pantois. « On n’aura
même pas à se battre pour défendre ce qui n’est pas attaqué…!».
Ils
ne craignaient pas une réforme des systèmes, y compris dans la fonction
publique, ils s’y étaient préparés. C’est une évidence. Ils voulaient
simplement qu'on leur laisse négocier certains points mais le programme
va au-delà de ce qu’ils avaient imaginé. Même à la CGT, on estime qu'il
ne se passera rien. Pas de vagues, pas de risques. Du coup, et c’est un
comble, les syndicats eux-mêmes pensent que le système par répartition
ne tiendra pas.
D’ailleurs,
répartition ou capitalisation, le ressort est le même. Dans la
repartions, ce sont les actifs qui paient pour les inactifs. Dans la
capitalisation c’est la même chose sauf que les retraites sont calculées
de façon individuelle et souscrites volontairement. Mais dans les deux
cas, la solidité dépend de l’activité économique et de la production de
richesse. Pour tout le monde, l’effort principal devrait porter sur la
dynamisation de l’activité. Si l’activité revenait, tous les problèmes
ne seraient pas réglés certes mais les plus lourds oui. Dans les
syndicats, on ne serait nullement opposé à l’introduction d’un régime
complémentaire par capitalisation qui pourrait (ou pas) être abondé par
l’Etat mais qui, au bout du compte s’appuierait sur l’effort contributif
de chacun. Après tout la CGT elle-même connaît bien cette
mécanique puisque c’est elle qui est à l’origine de la Préfon, système
de retraite par capitalisation réservé depuis l’origine aux
fonctionnaires mais qu'on pourrait ouvrir à tout le monde.
C’est d’ailleurs un comble, les seuls bénéficiaires d’un régime par
capitalisation à contribution individuelle et volontaires sont les
fonctionnaires
Le
président d’Axa a commencé un lobbying d’enfer pour la formule. il y a
intérêt mais pourquoi pas ? Une grande compagnie d’assurance
internationale doit avoir autant d’expertise et de compétence pour gérer
un fond de retraite qu'une association paritaire sous tutelle de l’Etat
français. Peut-être même plus !!! Sait-on jamais.
Les
syndicats auraient préféré que le président de la république en parle
le premier. Ça leur aurait facilité le travail. Pour l’instant, cette
réforme attendue et nécessaire est morte avant même d’avoir été
présentée. Au nom d’une application un peu étroite du principe de
précaution sociale
Décidément, sur l’énergie comme sur le social, le principe de précaution tient lieu de stratégie.
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