Le modéré Hassan Rohani a remporté l’élection présidentielle iranienne. Paris se dit prêt à travailler avec lui. Les Etats-Unis indiquent qu’ils restent disponibles pour « collaborer directement » avec Téhéran sur la question du nucléaire.
Hassan
Rohani, soutenu par les camps modéré et réformateur, a obtenu 50,68%
des voix au premier tour du scrutin disputé vendredi face à cinq
candidats conservateurs, a précisé Mostapha Mohammad Najjar, le ministre
de l’intérieur iranien, citant des résultats définitifs. Il devance
très largement le maire conservateur de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf
(6,07 millions de voix) et le chef des négociateurs nucléaires Saïd
Jalili (3,17 millions), qui était soutenu par l’aile dure du régime. Le
taux de participation est de 72,7%, a ajouté Mostapha Mohammad Najjar.
Après
une campagne atone, ce proche de l’ex-président modéré Akbar
Hachémi-Rafsandjani, a bénéficié du désistement du candidat réformateur
Mohammad Reza Aref et de l’appui mardi du chef des réformateurs Mohammad
Khatami, président entre 1997 et 2005. Tout en étant le représentant du
guide suprême Ali Khamenei au Conseil suprême de la sécurité nationale,
M. Rohani, 64 ans, prône plus de souplesse dans le dialogue avec
l’Occident, un dialogue qu’il avait dirigé entre 2003 et 2005 sous la
présidence Khatami. Durant la campagne, il a évoqué de possibles
discussions directes avec les Etats-Unis, ennemi historique de l’Iran.
« Cette victoire est celle de l’intelligence »
Hassan
Rohani a salué « la victoire de la modération sur l’extrémisme », tout
en demandant à la communauté internationale la « reconnaissance des
droits » de l’Iran en matière nucléaire. « Cette victoire est celle de
l’intelligence, de la modération, du progrès (...) sur l’extrémisme », a
affirmé M. Rohani, candidat unique des réformateurs et des modérés,
dans un message lu à la télévision d’Etat. « Sur la scène
internationale, avec l’occasion créée par cette grande épopée populaire,
que ceux (les pays occidentaux, ndlr) qui vantent la démocratie,
l’entente, le dialogue libre, parlent avec respect au peuple iranien et
reconnaissent les droits de la République islamique, pour obtenir une
réponse appropriée », a-t-il déclaré, en référence aux négociations
nucléaires avec les grandes puissances actuellement dans l’impasse.
Alors
que le pays est secoué par une grave crise économique du fait des
sanctions occidentales imposées à l’Iran en raison de son programme
nucléaire controversé, M. Rohani a assuré que « la présence puissante »
du peuple « apportera calme, stabilité et espoir dans le domaine
économique ». Enfin, il a exprimé « sa gratitude à l’égard du Guide
suprême » iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, dont il s’est dit « le
petit-fils » et salué « le rôle d’Akbar Hachemi Rafsandjani et de
Mohammad Khatami », les deux ex-présidents modéré et réformateur, dans
sa victoire.
Réaction américaine
Les
pays occidentaux ont formulé l’espoir, samedi, que le nouveau président
iranien Hassan Rohani réponde aux attentes de la communauté
internationale concernant le dossier nucléaire et la Syrie, tandis
qu’Israël a remis en cause sa réputation de modéré. Les Etats-Unis ont
déclaré qu’ils « restaient prêts à collaborer directement » avec Téhéran
sur la question du programme nucléaire iranien après la victoire de
Hassan Rohani, considéré comme un modéré. La Maison Blanche a affirmé
qu’un tel engagement aurait « pour but de trouver une solution
diplomatique qui apaiserait les inquiétudes de la communauté
internationale sur le programme nucléaire iranien ».
Israël
a toutefois minimisé le rôle du nouveau président, considéré comme un
modéré, soulignant que c’est le Guide suprême Ali Khameini qui décide de
la politique nucléaire iranienne. « Le programme nucléaire de l’Iran a
jusqu’à présent été décidé par Khameini, pas par le président iranien »,
a déclaré le ministère israélien des Affaires étrangères dans un
communiqué.
« Mettre l’Iran sur un nouveau chemin »
La
Grande-Bretagne a appelé Hassan Rohani « à mettre l’Iran sur un nouveau
chemin », notamment en « s’attelant aux inquiétudes de la communauté
internationale sur le programme nucléaire iranien, en faisant avancer
une relation constructive avec la communauté internationale et en
améliorant la situation politique et des droits de l’homme », dans un
communiqué du ministère des Affaires étrangères.
La
France est prête à travailler avec M. Rohani, notamment sur le dossier
nucléaire iranien et sur « l’engagement de l’Iran en Syrie », selon le
ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. « Les attentes de la
communauté internationale à l’égard de l’Iran sont fortes, notamment sur
son programme nucléaire et son engagement en Syrie. Nous sommes prêts à
y travailler avec le nouveau président », a souligné le chef de la
diplomatie française.
L’Italie « espère
qu’il sera possible, avec le nouveau gouvernement du président iranien
Rohani, de travailler au développement des relations bilatérales et
d’entamer sans délai une période de compréhension renouvelée et un
dialogue constructif entre l’Iran et la communauté internationale », a
dit la chef de la diplomatie italienne Emma Bonino.
Hassan Rohani, l’espoir des réformateurs
Hassan
Rohani, le seul candidat issu du clergé, a en quelques jours réussi à
fédérer derrière lui le camp dit modéré et celui des «réformateurs».
Deux termes qui sonnent agréablement en Occident, d’autant plus que
Hassan Rohani a suivi une partie de sa formation à l’université de
Glasgow, mais qui ne signifient pas pour autant que ces deux camps, unis
pour cette élection, remettent en question le dogme central de la
république islamique, le «velayat-e faqih» (suprématie du religieux sur
le politique), ni le programme nucléaire.
Depuis
l’appel à voter pour lui lancé en début de semaine par Mohammed Khatami
(président entre 1997 et 2005, à une période de relative détente avec
les occidentaux) et Hachemi Rafsandjani, chef de file
des réformateurs qui a été interdit de candidature, Hassan Rohani
incarne les espoirs de revanche des réformateurs après le fiasco de la
présidentielle de 2009.
On se souvient
que Mir Hussein Moussavi avait alors incarné en Iran, mais aussi dans le
monde entier, un espoir de changement (malgré un parcours de serviteur
loyal du régime des mollahs, impliqué dans moulte répression et le
développement du programme nucléaire), avant que la révolte des jeunes
et des classes moyennes ne soit durement réprimée. Mir Hussein Moussavi
est depuis lors en résidence surveillée et toutes les candidatures de
réformateurs à la présidentielle d’aujourd’hui ont été invalidées.
Rohani, trop modéré aux yeux du Guide suprême iranien
Pour
autant, Hassan Rohani n’est pas un adversaire du Guide Suprême,
l’ayatollah Ali Khamenei, dont il fut le représentant au Conseil
national de sécurité. Il a aussi été négociateur du programme nucléaire
iranien en 2003-2005 quand il avait accepté une offre européenne de
technologie en échange d’une suspension de l’enrichissement. Ce que lui a
vivement reproché son concurrent, Saïd Jalili : «Vous avez cédé sur
tout et rien obtenu.» Hassan Rohani n’est clairement pas le favori du
Guide. Il a fait campagne pour des postures moins conflictuelles avec
l’Occident, une libéralisation du contrôle des médias et un allègement
du contrôle social, un discours qui plaît à des jeunes partagés entre le
vote en sa faveur et l’abstention.