Les
émeutes du Trocadéro ne semblent pas avoir terni l'image de Paris aux
yeux des touristes, mais viennent s'ajouter à certains défauts de la
capitale.
Deux jours après les
débordements de la place du Trocadéro,
la principale recommandation des agences de voyages étrangères aux
touristes reste de prendre garde aux pickpockets qui grouillent dans les
lieux les plus fréquentés de la capitale. Pas aux casseurs. Et - hasard
du calendrier ou pas - mercredi, la préfecture de police de Paris a
lancé une campagne de communication visant à informer les touristes
contre les vols à la charité, souvent à l'aide de fausses pétitions, qui
prospèrent sur les Champs-Élysées, la butte Montmartre, le
Champ-de-Mars, les grands magasins, le Louvre, Notre-Dame ou encore...
au Trocadéro.
Écornée par les casseurs et les ultras du PSG, l'image de Paris?
Moins que l'on aurait pu le penser, tout au moins pour ces touristes
croisés mercredi dans la capitale. Pour Kazuhiro Yoshii, un touriste
japonais, «c'est un cas isolé, je ne pense pas qu'il y aura un impact
important sur le tourisme, ça sera vite oublié». Pour lui, comme pour la
plupart des visiteurs japonais, le principal outil utilisé pour la
sécurité, c'est la chaîne pour attacher les portefeuilles. Et Kazuhiro
Yoshii en a pris une, il est d'ailleurs fier de la montrer pour prouver
son efficacité. De son côté, Aaron, un Mexicain de 37 ans venu en
vacances avec sa famille, ironise même sur le sujet en le comparant aux
problèmes de sécurité de son pays. Yun, un touriste chinois de 25 ans,
en pleine séance photo sous la tour Eiffel, n'a pas peur, même après
avoir vu les images du bus, «mais je me sens en sécurité, il y a des
policiers partout». À tel point qu'au pied de la tour Eiffel, mercredi
matin, sous un rayon de soleil frais, plus rien ne laisse imaginer que
36 heures plus tôt, un car de touristes était attaqué par des casseurs.
«On n'a pas noté d'appels inquiets»
Une
sérénité également affichée par les professionnels du tourisme et de
l'hôtellerie à Paris. Déjà le printemps tardif pèse sur le moral, alors
une nouvelle menace sur leur chiffre d'affaires ne serait clairement pas
la bienvenue. Ainsi, au sein du palace Shangri-La, situé rue d'Iéna, à
deux pas du Trocadéro, c'est tout juste si les hôtes se sont rendu
compte des événements, affirme-t-on. «Nous n'avons reçu aucune demande
d'information sur la situation à Paris de la part de clients sur le
point de venir séjourner chez nous. Au pire, en cas de problème, les
grilles de l'hôtel peuvent être fermées», plaisante-t-on. Même réponse à
l'hôtel Renaissance Trocadéro, où les débordements de lundi soir n'ont
eu pour le moment aucune incidence sur la fréquentation ou les
réservations.
À
l'office de tourisme et des congrès de Paris, pas davantage de
mobilisation: «On n'a pas noté d'appels inquiets de la part des agences
de voyage et il n'est pas prévu de communiquer particulièrement sur le
sujet.»
Paris reste la ville la plus visitée au monde
Pas
de communication de crise donc. «Après, que des capitales en concurrence
avec Paris tentent de surfer sur des événements de ce type, c'est
normal», glisse Jean-Bernard Bros, l'adjoint au maire de Paris en charge
du tourisme. Et de rappeler que la capitale demeure toujours la ville
la plus visitée au monde avec près de 30 millions de touristes par an.
«Surtout, ce qui s'est produit lundi est un incident isolé, martèle
l'élu. Rien à voir avec la situation de 2005 où les images d'émeutes en
banlieue passant en boucle avaient fait baisser la fréquentation
touristique à Paris de 10 à 15 %.»
Cependant, à Pékin, on se dit
quand même, après les débordements du Trocadéro, que la vieille Europe -
France en tête - est décidément bien malade. «En Chine, on pense que
les Occidentaux sont tous civilisés, écrit un internaute, mais après
avoir vu les émeutes de Paris, je me dis qu'ils ne valent pas mieux que
nous…» Un autre se demande ce qu'il reste de la réputation «romantique»
de la capitale française. Même si la chienlit du Trocadéro ne fait pas
la une, ici, elle ne sert pas une image française déjà ternie ces
derniers temps par une série d'agressions sur des touristes chinois. Sur
le Web, on rapporte les récits de cinq journalistes chinois basés en
Europe, qui voulaient couvrir un «moment d'histoire sportive» et qui
n'avaient jamais imaginé qu'ils devraient se carapater pour «sauver leur
peau». Un photographe raconte que huit heures après, il était toujours
paniqué par ce déferlement de violence.
Le Matin de Shanghaï parle de la «naïveté» de la police parisienne. La France, en Asie, n'a pas marqué de points. Et quand on connaît l
e potentiel du tourisme chinois, c'est bien dommage.
Jean-Bernard Bros, adjoint au maire de Paris en charge du tourisme: «L'image de Paris n'est pas écornée»
LE FIGARO - Des images d'émeute sur fond de tour Eiffel, on peut rêver mieux comme carte postale de Paris, non?
Jean-Bernard BROS -
Ce n'est jamais positif en effet. Je ne suis pas sûr néanmoins que si
les choses s'étaient déroulées place de la Bastille ou de la Nation, on
s'interrogerait autant sur l'image de la capitale. Le Trocadéro est un
lieu emblématique et très touristique. Mais ce qui s'est passé lundi
soir n'est qu'un épiphénomène lié aux débordements de quelques hooligans
et excités, en aucun cas un acte amené à se répéter et à remettre en
cause la sécurité des visiteurs. Il faut en tirer évidemment les
conséquences pour qu'à l'avenir ce type d'incident ne se reproduise pas.
En tout cas, cela n'empêchera pas un Américain ou un Russe de venir à
Paris.
Entre les pickpockets au Louvre et les rackets à Roissy, les touristes ne vont-ils pas finir par avoir peur?
Il
ne faut pas faire d'amalgame. Ce n'est pas parce que le lieu où se sont
déroulés les événements de lundi est très touristique que les visiteurs
étrangers étaient visés. En revanche, ils sont, c'est vrai, touchés par
le fléau des pickpockets. Mais c'est un phénomène mondial qui concerne
aussi bien Rome que Londres ou New York. Nous avons pris des mesures, en
renforçant notamment les effectifs policiers dans certains secteurs
pour dissuader les voleurs.
Tout cela a-t-il néanmoins un impact sur la fréquentation de la capitale?
Non,
encore une fois, l'image de Paris n'est pas écornée. La preuve, c'est
que dans nos dernières enquêtes d'opinion, 95 % des touristes se disent
satisfaits lorsqu'ils repartent chez eux. Nous sommes toujours la ville
la plus visitée au monde et la saison touristique s'annonce très bien.
Des événements marquants pour les étrangers
Octobre 2005: la banlieue en feu
Les violences urbaines démarrent à
Clichy-sous-Bois
le 27 octobre. 10 jours plus tard, l'état d'urgence est déclaré. Les
images de voitures incendiées font le tour du monde. Les touristes
boudent Paris.
20 mars 2013: 23 Chinois volés
23
touristes tout juste débarqués à Roissy se font détrousser devant un
restaurant. Frappé, leur accompagnateur se fait voler les passeports et
une grosse somme en liquide.
10 avril 2013: le Louvre fermé
En raison de la
recrudescence des pickpockets qui sévissent à l'intérieur du plus grand musée du monde, les agents de l'établissement se mettent en grève pour protester.
lefigaro.fr