08 novembre, 2012

Les islamistes du nord du Mali se divisent


Conférence de presse de membres du groupe Ansar Dine, mardi à Ouagadougou.
Conférence de presse de membres du groupe Ansar Dine, mardi à Ouagadougou. Crédits photo : Yempabou Ahmed OUOBA/AFP

Ansar Dine, un groupe islamiste touareg, se dit prêt à négocier et à rejeter le terrorisme.

«Nous n'avons pas changé de position. Le trafic d'armes et les prises d'otages n'ont jamais été dans nos pratiques. Mais nous voulons convaincre l'opinion internationale que nous sommes fréquentables.» Mohammed ag Aharib, porte-parole d'Ansar Dine, joint par téléphone à Ouagadougou, où son mouvement a rejeté mardi «toute forme d'extrémisme et de terrorisme», et s'est engagé à «lutter contre la criminalité transfrontalière organisée», refuse toutefois de cibler al-Qaida au Maghreb islamique et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest. «Combattre d'autres musulmans est contraire à notre éthique», précise-t-il.
Ansar Dine, après un entretien avec le président burkinabé, Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, a aussi «réaffirmé» sa disponibilité «à s'engager dans un processus de dialogue politique avec les autorités de transition du Mali». «Là encore, nos efforts pour la paix ne datent pas d'hier, souligne le porte-parole du groupe armé. En février dernier, nous avions déjà envoyé une délégation à Alger pour trouver une issue à la guerre.»
Alors que Paris demande que «la rupture avec les organisations terroristes et l'arrêt des violations des droits de l'homme dans les zones contrôlées par Ansar Dine» soient «effectifs», Bamako accueille le discours d'Ansar Dine avec encore plus de scepticisme. Certains hauts responsables maliens reprochent au mouvement de les marginaliser pour aller chercher des solutions à Alger et à Ouagadougou.

«Jusqu'au dernier sacrifice» 

Mossa ag Attaher, porte-parole du Mouvement national de libération de l'Azawad, la composante laïque de la rébellion touareg garde aussi ses distances: «Nous sommes prêts à discuter avec Ansar Dine comme nous l'avions fait en mai dernier. À l'époque, la communauté internationale nous l'avait d'ailleurs reproché! À condition qu'ils se démarquent des terroristes et qu'ils renoncent à l'application de la charia par la force. Pour l'instant, leur position n'est pas très claire.»
Quant au plan d'intervention militaire, qui doit être adopté dimanche par les chefs d'État de la Cédéao à Abuja, au ­Nigeria, avant d'être soumis au Conseil de sécurité des Nations unies via l'Union africaine, le porte-parole d'Ansar Dine le qualifie de «coalition internationale contre les populations arabes et touaregs du nord du Mali». «On ne peut pas s'en prendre à Aqmi ou au Mujao sans toucher les populations: comment peut-on distinguer un terroriste d'un simple citoyen? Il serait extrêmement grave d'exterminer ainsi un peuple. S'il fallait combattre, comme nous l'avons dit, nous le ferons jusqu'au dernier sacrifice», insiste-t-il.
Pendant ce temps à Alger le rythme des rencontres s'accélère. Après la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton et la Haute Représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, Romano Prodi, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la région du Sahel, a été reçu jeudi par le président Bouteflika.

Un djihadiste franco-malien en route pour Tombouctou arrêté

Les gendarmes maliens ont interpellé samedi dernier sur la commune de Sevare un djihadiste franco-malien qui s'apprêtait  à rejoindre les zones de combat  dans la région de Tombouctou. Arrivé à Bamako le 1er novembre  au matin sur un vol de la compagnie TAP en provenance de Lisbonne,  le suspect circulait depuis lors avec un passeport au nom de Khalifa Drame. Vérifications faites, les autorités maliennes ont révélé mardi soir à Paris que le présumé terroriste ne serait autre qu'Ibrahim Ouattara.
Né en 1988 à Aubervilliers, ce dernier avait été intercepté en Égypte alors qu'il entendait se rendre vers des camps d'entraînements, notamment  en Somalie et au Yémen. Ouattara voyageait avec Ymad Benouahab, salafiste de 23 ans qui a récemment roué de coups un photographe à Paris. Expulsé d'Égypte, Ouattara avait  écopé en novembre 2010 d'une mise  en examen avec sept autres personnes pour association de malfaiteurs  en lien avec une entreprise terroriste. Le djihadiste, aussi soupçonné d'avoir projeté un attentat contre le recteur Dalil Boubakeur, avait été libéré  en juillet dernier. Alors que Paris  a ouvert une enquête, il a été raccompagné à Bamako sous bonne escorte, en compagnie de deux complices arabes. 

Elles souffrent de vaginisme, cette maladie taboue de l’amour



Un cadenas posé sur un portail (Marksteelenz/Flickr)
Lucie ne risque pas d’oublier sa première fois. Dès les premiers essais, la douleur est si terrible que la pénétration est impossible. « J’étais paniquée à l’idée de la pénétration, j’ai senti mon corps se contracter. » La jeune femme ne revoit jamais cet homme, dont elle n’était pas amoureuse.
Mais quelques mois plus tard, alors qu’elle réessaie avec son compagnon actuel, rebelote : son vagin se « mure ». « Je pensais que lorsque je rencontrerai la bonne personne tout s’arrangerait. Mais le blocage était toujours présent. »
Ce n’est qu’au bout de plusieurs mois de recherches que Lucie comprend qu’elle est atteinte de vaginisme. Cette affection concernerait près de 15% des femmes en France, et se manifeste par des contractions incontrôlées et involontaires du vagin, qui rendent impossible ou très douloureuse toute pénétration. Une réalité méconnue et taboue.

La douleur, « un cercle vicieux »

S’il se manifeste souvent dès les premiers rapports (primaire) comme pour Lucie, le vaginisme peut apparaître en plein milieu de la vie sexuelle (secondaire).
Certaines supportent une petite pénétration ou des examens gynécos, d’autres non… Bref, il existe autant de vaginismes que de femmes qui en sont atteintes. Mais dans tous les cas, le diagnostic tombe comme un couperet.
Leila, 32 ans, se souvient de cette « incompréhension » les premières fois qu’elle a essayé de faire l’amour, sans succès.
« Je me considérais comme bien informée sur la sexualité, sans tabous. Pourtant j’avais ces contractions incontrôlables, à chaque fois. Je n’en revenais pas. »
Karima, elle, n’hésite pas à parler de cauchemar. C’est le soir de sa nuit de noces qu’elle s’est rendue compte de son problème :
« J’étais restée vierge pour mon mari. Et ce soir-là, ainsi que les jours suivants, impossible de faire l’amour ! Je n’aurais pas pu imaginer ça, même dans mes pires cauchemars. »
Peu à peu, un « cercle vicieux » s’installe, comme le résume bien Leïla :
« Comme ça fait mal dès qu’on essaie la pénétration, on anticipe la douleur les fois suivantes. Donc forcément, on se contracte, et la douleur revient ! »

« Pourquoi je n’arrive pas à faire ce que toutes les autres font ? »

La première réaction est souvent de se murer dans le silence, avoue Leila :
« Le secret fait partie du vaginisme. On a honte, on est en colère, on se dit pourquoi je n’arrive pas à faire ce que n’importe quelle femme fait naturellement ? »
Une réaction normale selon Joëlle Mignot, psychologue et sexologue : « Nous vivons dans une société où le sexe est partout, incontournable. Et ces femmes en sont exclues, sont hors-normes. »
Un sentiment de honte qui les pousse souvent à trouver des excuses pour ne pas consulter, parfois pendant des années. Karima, elle, a tenté de franchir le cap du diagnostic après des mois de déprime.
« J’ai pris sur moi car je me disais qu’en parler à une gynécologue allait m’aider. »
Erreur. La première, après avoir écouté son problème, n’a même pas voulu l’ausculter, sans raison : « J’étais complètement déprimée, bloquée ; il m’a fallu des mois pour aller en voir une autre. »
Amandine, atteinte de vaginisme depuis plusieurs années, se rappelle que « la première gynécologue m’a conseillé de faire des exercices de contractions, une autre m’a tout simplement dit que j’avais le vagin trop étroit ».
Des témoignages que les membres des Clés de Vénus, seule association en France spécialisée dans le vaginisme, entendent régulièrement. Pour Aurélie, une des fondatrices de l’association : « Beaucoup de professionnels sont mal informés et ont cette réaction maladroite, car ils sont mal à l’aise. »
Une réalité confirmée par Stéphane Pérez, gynécologue-sexologue.
« Certains gynécologues peuvent être décontenancés face à ces situations, car ils n’ont pas de réponses. L’important, c’est qu’ils aient un réseau avec des sexologues, afin qu’ils puissent orienter leurs patientes vers eux. Ce n’est pas à eux de régler directement le problème. »
Depuis leur création en 2009, les Clés de Vénus ont constitué un réseau partout en France avec des gynécologues, des sexologues ou encore des psychothérapeutes formés et informés sur le sujet.
L’association organise aussi des groupes de parole et tient une permanence téléphonique tous les lundis : « Quand les femmes nous trouvent, c’est un soulagement : c’est la fin de leur errance thérapeutique. »

« Mon vagin ? Un mur, un trou noir »

Quand le mot est posé sur le mal, la plupart des femmes réagissent comme Jennifer, 22 ans.
« J’étais rassurée. J’ai compris que je n’étais pas la seule, et surtout que je n’étais pas folle, que le problème était bel et bien réel. »
Mais le diagnostic n’est qu’un début : comment expliquer ces contractions incontrôlées, qui font du vagin une barrière infranchissable ? Il n’existe pas d’explication universelle, mais un le premier élément de la réponse, c’est que le vaginisme n’est pas physique, mais psychologique.
Joëlle Mignot explique ainsi qu’« on a tendance à assimiler le vaginisme à un réflexe suite à des abus sexuels passés. Certes, ça peut être le cas. Mais c’est loin d’être la seule cause ».
Beaucoup de ses patientes associent le problème à leur éducation, comme Karima :
« Chez moi, le sexe était un tabou. On en parlait pas vraiment, peut-être qu’inconsciemment ça me faisait peur. »
Mais pour elle, c’est du côté de la représentation que ces femmes ont de leur vagin qu’il faut aussi chercher : « Beaucoup d’entre elles ont du mal à intégrer cette partie du corps, interne, non visible. » Lors des premières séances, elle demande donc à ses patientes de dessiner ou de décrire leur vagin. Certaines le voient comme « un mur », « un trou noir », « un vase », ou encore un « endroit fermé » « sec » ou au contraire « humide ».
Lucie a dû dessiner un vagin et un pénis à une sexologue :
« J’avais fait le vagin tout petit, et le pénis beaucoup trop grand ! »
Leïla, elle, se rappelle son paradoxe : « Je savais que c’était un creux mais paradoxalement, pendant l’acte, je n’arrivais pas à me dire que quelques chose pouvait y rentrer ! »

« Réapprivoiser » son vagin

« L’important, c’est de réapprivoiser son vagin ! » explique Joëlle Mignot. Grâce à des séances de thérapie et d’hypnose, elle fait travailler la relaxation et « la représentation que ces femmes ont de cette partie du corps, afin de la modifier doucement, selon leur histoire, de reconnecter la tête avec le corps, de s’ouvrir ».
Stéphane Pérez est adepte d’une prise en charge comportementaliste :
« Avec la patiente, nous refaisons un point sur l’anatomie, sur cette partie du corps. Puis nous travaillons sur la découverte du creux vaginal, nous essayons doucement de casser leur phobie. »
Parce que tous les vaginismes sont différents, chacune choisit sa méthode pour se réapproprier cette partie du corps. Beaucoup font appel à des psychologues, des sexologues, des kinésithérapeutes, des homéopathes ou encore des sages-femmes.
D’autres optent pour des dilatateurs vaginaux. Le site Velvi a été un des premiers en France à proposer des kits de dilatateurs de tailles différentes. « C’est une méthode qui s’appuie sur la désacralisation et la désensibilisation », explique une des fondatrices. « Les femmes atteintes de vaginisme ont une obsession de la pénétration. L’idée, c’est de l’affronter et la dépasser. »
Le kit présente des dilatateurs de différentes tailles. Velvi conseille plusieurs étapes d’utilisation, en passant d’abord par des exercices de respiration et de détente, chaque femme devant les effectuer à son rythme. « Le but n’est pas de tous les utiliser, mais au moins de trouver une ouverture, et de ne pas en avoir peur. Chaque millimètre gagné compte ! »
Des dilatateurs qui s’avèrent souvent efficaces, et qu’il est préférable de combiner avec une prise en charge plus thérapeutique, comme l’explique Stéphane Pérez. « Beaucoup de femmes pensent qu’il suffit d’arriver à la pénétration. Mais il fait aussi travailler l’origine du problème, ne pas s’arrêter uniquement au côté physique. »

Et les hommes dans tout ça ?

Du diagnostic à la guérison, le vaginisme s’installe souvent des années. Un chemin de croix que beaucoup de femmes partagent avec leur compagnon. « Le vaginisme est une vraie douleur pour le couple, pour le compagnon aussi », reconnaît Leila :
« Mais une fois intégré, dépassé, il peut créer une vraie complicité. Et les hommes font souvent preuve d’une patience incroyable. »
Amandine confirme :
« Malgré les frustrations, mon compagnon a toujours été compréhensif. Nous parlons beaucoup, nous nous projetons même dans une vie de famille. »
Phil fait partie de ceux qui affrontent quotidiennement les frustrations, les avancées, les déceptions :
« La première fois que ça ne rentrait pas, je me suis dit que je m’y étais mal pris. Puis, quand j’ai vu que ça persistait, je me suis vraiment remis en question ! »
Comme souvent, c’est lui qui poussé sa femme à chercher la cause du blocage et qui a découvert le vaginisme :
« Je parlais du problème à un ami, et il a évoqué cette possibilité. Je n’avais jamais entendu ce mot ! J’ai fait des recherches sur Internet, puis j’en ai parlé à ma femme. »
Il reconnaît parfois avoir des moments d’abattement, surtout quand sa femme « semble baisser les bras. Mais si vous aimez votre femme, vous devez vous accrocher, ne surtout pas laisser tomber, dialoguer sans cesse pour trouver des solutions ».
Si la vie n’est pas toujours facile, Phil pense tout de même avoir construit une sexualité plutôt épanouie avec sa femme :
« Nous avons nos positions préférées, nous faisons l’amour au moins deux fois par semaine, sans pénétration. On se touche, on se frôle, on exploite tous les préliminaires. On regarde même des films pornos ensemble. Et ma femme a des orgasmes ! »

Du vaginisme, du plaisir… et un enfant

Car s’il la limite, le vaginisme ne signifie pas automatiquement la fin de la sexualité. Là encore, pas de règles. Certaines avouent « ne même plus avoir envie de préliminaires », pourtant la base de la sexualité des femmes atteintes de vaginisme. Beaucoup ont aussi peur « de frustrer le partenaire en permanence ».
D’autres, comme Leila, ont su réapprivoiser petit à petit le désir et le plaisir. « On réinventait notre sexualité, on était très complices. » Jusqu’à ce petit miracle : elle est tombée enceinte... Vierge !
« Ça peut arriver, en cas de préliminaires et s’il y a éjaculation ! Les examens gynécologiques ont été un casse-tête, puisque j’étais toujours atteinte de vaginisme ! » Mais quand elle apprend qu’elle attend une fille, c’est le déclic.
« Je me suis dit que je devais guérir, pour elle. » Après la naissance, aidée de dilatateurs vaginaux, d’exercices quotidiens, de son mari et de patience, Leila progresse petit à petit. Jusqu’au jour ou enfin... « Nous avons fait l’amour avec pénétration. J’en ai pleuré ! »
Si la prouesse s’est avérée plus technique que savoureuse, le couple avance un peu plus chaque jour vers une sexualité plus épanouie. Et a eu un second enfant.

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