16 septembre, 2012

Premières images des victimes d’amputations dans le Nord-Mali

Les premières images de victimes d’amputations pratiquées par les islamistes à Gao, dans le nord du Mali, ont été diffusées vendredi par l’AFP, qui s’est procuré une vidéo tournée sous le contrôle des islamistes dans un hôpital de cette ville le 11 septembre. Cette vidéo, obtenue par l’AFP auprès d’un journaliste malien à Bamako, a été tournée par un caméraman local avec l’accord des jihadistes, le lendemain de l’amputation de cinq hommes présumés voleurs pratiquée au nom de la charia (loi islamique). Un journaliste de l’AFP a reconnu les lieux filmés.

Premières images des victimes d’amputations dans le Nord-Mali Selon des sources locales, ces amputations avaient été effectuées par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui contrôle Gao.
La vidéo débute par un plan du panneau situé à l’entrée de l’hôpital de Gao et portant son nom, Hangadoumbo Moulaye Touré. Le drapeau jihadiste, noir et portant en caractères arabes la profession de foi de l’islam ("Il n’y a de Dieu que Dieu"), y a été accroché.
Un véhicule tout-terrain beige portant un calicot jihadiste à côté de sa plaque d’immatriculation est garé devant des chambres.
A l’intérieur, trois hommes, jeunes, sont allongés sur des lits. Leur main droite et leur pied gauche ont été sectionnés et leurs blessures bandées. A l’arrivée de la caméra, ils cachent leur visage derrière leur main valide ou en tournant la tête.
"Ce que nous leur avons infligé, c’est Dieu qui nous l’a commandé (. . . ). La volonté de Dieu a été accomplie et les péchés de ces gens ont été effacés", assène un jihadiste portant un keffieh. Il dit s’appeler Aliou Mahamar, se présente comme "commissaire islamique de Gao" et s’exprime en sonraï, une des langues parlées au Mali et dans la région.
Il entame ensuite avec un des amputés un dialogue à base de références religieuses qu’il ponctue régulièrement de "Allah Akbar" (Dieu est le plus grand, en arabe).
"Nous préférons être châtiés dans ce monde ici bas et être absous de nos pêchés", affirme la victime, sans qu’il soit possible de déterminer si ses paroles lui ont été dictées ou pas.
Privé de deux membres, l’homme est désormais réduit à la mendicité et à la merci des nouveaux dirigeants de la communauté, comme il le fait lui-même remarquer en montrant au jihadiste sa main coupée et en lui disant : "Toi qui es le chef, il ne faut pas nous oublier, nous aurons besoin de manger durant notre convalescence".
Au total, cinq hommes accusés de vol ont été amputés le 10 septembre à Gao, selon une source médicale sur place.
Le Mujao, auteur des amputations, est un groupe dissident d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui détient neuf otages européens. Des dirigeants d’Aqmi sont régulièrement vus dans ces zones du nord du Mali.
La première amputation publique effectuée par les islamistes dans le Nord remonte au 8 août à Ansongo. Il s’agissait d’un homme accusé d’avoir volé une moto, qui a été mutilé par des hommes du Mujao.
Le 29 juillet, des membres d’Ansar Dine avaient lapidé à mort, en public, à Aguelhok (nord-est) un homme et une femme auxquels ils reprochaient d’avoir eu des enfants sans être mariés.
D’autres couples jugés "illégitimes", des hommes accusés d’avoir bu de l’alcool, de fumer, ou encore d’être des voleurs ou des violeurs ont aussi été fouettés en public par les islamistes dans plusieurs villes, notamment à Tombouctou (nord), où ils ont aussi détruit des tombeaux de saints musulmans vénérés par la population.
Les autorités maliennes, des organisations de défense des droits de l’Homme et l’ONU ont dénoncé ces agissements, mais se sont révélées impuissantes à y mettre un terme.
Profitant d’un coup d’Etat militaire le 22 mars qui a déstabilisé le pouvoir à Bamako, les islamistes ont pris le contrôle du nord du Mali entre fin mars et début avril, en même temps que des rebelles touareg qu’ils ont, depuis, évincés de ces zones.
Le 1er septembre, le Mujao a pris sans combats Douentza, ville stratégique de la région de Mopti, dans le centre du pays.
AFP