Des
dizaines de milliers de musulmans ont manifesté vendredi dans le monde
musulman pour dénoncer un film réalisé aux Etats-Unis dénigrant l'islam,
déclenchant de nouvelles violences, notamment au Soudan où un
manifestant a été tué.
Ce film de piètre qualité cinématographique, dans lequel les
musulmans et le prophète Mahomet sont présentés comme immoraux et
brutaux, a enflammé la rue mardi en Egypte et en Libye, avant que les
protestations, visant notamment les ambassades américaines, ne
s'étendent à d'autres pays musulmans.
A Khartoum, les forces de l'ordre ont tiré vendredi des gaz
lacrymogènes pour disperser quelque 10.000 manifestants qui
s'approchaient de l'ambassade des Etats-Unis à Khartoum, après avoir
attaqué celles de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, que les
protestataires ont incendiée, a constaté un correspondant de l'AFP.
Un manifestant est mort écrasé par un véhicule policier qui a foncé
sur un groupe de manifestants lançant des pierres sur les forces de
l'ordre, selon cette source.
Les gardes postés sur le toit de l'ambassade américaine à Khartoum
ont tiré vendredi après-midi en l'air après que des centaines de
manifestants se furent approchés de l'ambassade, une dizaine parvenant à
pénétrer dans son enceinte, a constaté un correspondant de l'AFP.
A Tunis, la police a procédé à des tirs de sommation et de gaz
lacrymogènes sur des centaines de personnes venues manifester devant
l'ambassade. Une épaisse fumée noire pouvait être vue en fin
d'après-midi au-dessus de ce bâtiment.
Au Yémen, les Etats-Unis ont dépêché une équipe de Marines pour
protéger l'ambassade américaine alors que des manifestations et
violences anti-américaines menacent le bâtiment, a annoncé le Pentagone
vendredi.
Au Liban, un manifestant a été tué et 25 autres ont été blessés dans
des heurts à Tripoli (nord) entre les forces de sécurité et des
centaines d'islamistes qui avaient auparavant incendié un fast-food
américain, selon un responsable des services de sécurité.
Cette mort, dont les circonstances demeurent floues, est survenue au
moment où le pape arrivait à Beyrouth pour une visite de trois jours.
A Sanaa, où quatre personnes ont été tuées jeudi dans des heurts, la
police a tiré en l'air et fait usage de canons à eau pour repousser
quelques centaines de manifestants qui s'approchaient de l'ambassade
américaine pour réclamer notamment l'expulsion de l'ambassadeur, selon
un correspondant de l'AFP.
Au Bangladesh, quelque 10.000 manifestants ont brûlé à Dacca des
drapeaux américains et israéliens, et tenté de s'approcher de
l'ambassade des Etats-Unis. "Nous ne tolèrerons pas d'insultes envers
notre grand prophète", ont-ils scandé.
Au Pakistan, des manifestations dans les grandes villes du pays ont
demandé la mort du réalisateur du film et l'expulsion des diplomates
américains en poste dans le deuxième pays musulman.
En Indonésie, environ 350 islamistes radicaux ont manifesté à Jakarta
contre la "déclaration de guerre" que représente selon eux le film.
A Téhéran, des milliers de personnes se sont rassemblées aux cris de
"Mort à l'Amérique" et "Mort à Israël", selon des images de la
télévision d'Etat.
Au Caire, des heurts sporadiques se sont poursuivis dans la matinée
avec les forces de l'ordre déployées aux abords de la mission
diplomatique.
Le puissant mouvement des Frères musulmans, dont est issu le
président Mohamed Morsi, a retiré son appel à manifester à travers tout
le pays, affirmant qu'ils n'organiseraient qu'un rassemblement
"symbolique" au Caire, sur la place Tahrir.
Des milliers de Palestiniens ont par ailleurs manifesté dans la bande
de Gaza contrôlée par le Hamas et à Jérusalem-Est occupé et annexé par
Israël.
Forces de sécurité sur le qui-vive
En Syrie, théâtre de violences depuis mars 2011, près de 200
manifestants ont organisé un sit-in de protestation devant l'ambassade
des Etats-Unis à Damas, fermée depuis plusieurs mois.
Des milliers de personnes ont protesté dans tout l'Irak, notamment à
Bassora (sud) où les protestataires ont scandé: "Il n'y a pas de liberté
lorsqu'on offense un milliard de musulmans".
Dans la ville sainte chiite de Najaf, un religieux a appelé les
Etats-Unis à déférer toute l'équipe du film devant un tribunal islamique
spécial.
A Benghazi, dans l'Est libyen, le trafic aérien a été suspendu dans
la nuit pour des "raisons de sécurité", après l'attaque menée mardi soir
qui avait coûté la vie à l'ambassadeur Chris Stevens et à trois autres
Américains. Mais il a pu finalement reprendre vendredi.
Une vidéo "écoeurante", selon Clinton
De nombreux pays ont renforcé la sécurité des ambassades américaines après cette attaque.
L'Inde, qui compte une importante minorité musulmane, a ainsi placé
en alerte ses effectifs déployés autour des bâtiments américains. Le
plus haut responsable religieux musulman de l'Etat indien du Cachemire a
demandé aux citoyens américains de "quitter immédiatement" la région.
En Afghanistan, les autorités sont le qui-vive et la plupart des
ambassades ont pris des mesures de sécurité accrues pour leur personnel
et appelé leurs ressortissants à éviter de sortir.
Les réactions déclenchées par le film, dont des extraits sont
diffusés sur internet, rappellent la colère qu'avait provoquée la
publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006 par un journal
danois.
Selon les médias américains, le cinéaste, qui se présente comme Américano-israélien, serait de religion chrétienne copte.
Un homme affirmant être le producteur du film a déclaré à la radio américaine en arabe Radio Sawa n'avoir aucun regret.
A la question de savoir s'il se sentait coupable des violences
anti-américaines déclenchées par le film, l'homme se présentant comme
Nakoula Basseley Nakoula, un copte habitant en Californie, a déclaré:
"Oui, je me sens coupable. L'Amérique (...) n'a rien à voir" avec ce
film.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a assuré que le
gouvernement américain n'avait "absolument rien à voir" avec cette
"vidéo écoeurante et condamnable".
Les déclarations se sont multipliées pour fustiger ce film, tout en appelant au calme.
Le président égyptien a jugé que le film constituait une "agression"
qui "détourne l'attention des vrais problèmes au Proche-Orient", tout
en condamnant à nouveau les violences qu'il a entraînées dans la région.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a estimé que ce film
était une "provocation" qui ne peut néanmoins justifier les attaques.
Les monarchies arabes du Golfe ont condamné le film ainsi que les attaques anti-américaines qu'il a provoquées.