29 octobre, 2011

Nicolas Sarkozy, Pinocchio fiscal

Le Nouvel Observateur décerne trois Pinocchios au président de la République pour son intervention sur TF1 jeudi 27 octobre.

La France, le pays de l'impôt

"Les Français doivent savoir que nous sommes le pays d'Europe qui a les impôts les plus élevés d'Europe ! Les plus élevés d'Europe !"

Selon les chiffres de l'OCDE, les prélèvements obligatoires représentaient 41,9% du produit intérieur brut (PIB) français en 2009, dernier chiffre disponible, contre plus de 48% au Danemark, 46,4% en Suède, etc.

Le dernier pays de l'ISF ?

"Nous sommes le dernier pays d'Europe à avoir un impôt sur la fortune ! Le dernier ! Les socialistes allemands comme les socialistes espagnols l'avaient supprimés? Nous l'avons gardé."

Premièrement, l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été supprimé en Allemagne en 1997, époque à laquelle les socialistes allemands n'étaient pas au pouvoir.

Les Espagnols ont bien supprimé l'ISF il y a trois ans, mais ils l'ont rétabli pour 2011 et 2012, pour faire face à la crise.

La réforme fiscale, une opération neutre ?

L'impôt sur la fortune a été réformé au printemps 2011 par la majorité. Une réforme "intégralement payée par ceux qui sont éligibles à l'ISF, intégralement payée", a martelé Nicolas Sarkozy. Et d'ajouter : "D'un côté, on l'a allégé de 1,7 milliard. De l'autre, on a alourdi de 2 milliards."

Dans la réforme, la diminution des recettes de l'ISF doit en effet s'accompagner de la suppression du bouclier fiscal et d'un retour en arrière sur les successions qui seront davantage taxées. Mais compte tenu du décalage de calendrier dans la collecte des impôts, quand l'ISF sera allégé, le bouclier fiscal ne sera pas encore supprimé. Un beau cadeau qui fera mal aux finances publiques en 2012.

Gepetto - Le Nouvel Observateur

Un Pinocchio = Une simple erreur, une imprécision.

Deux Pinocchios = Une erreur manifeste, un mensonge par omission

Trois Pinocchios = le mensonge prémédité, avec intention de nuire.

SYRIE. Sarkozy et son ami Bachar al-Assad

Nicolas Sarkozy a longtemps chouchouté le dictateur syrien, pourtant mis au ban des nations, avant d'être l’un de ses plus virulents détracteurs. Une enquête de Christophe Boltanski et Vincent Jauvert.

Le président syrien Bachar al-Assad recevant Nicolas Sarkozy à Damas le 3 septembre 2008. (Gérard Cercles-AFP) Le président syrien Bachar al-Assad recevant Nicolas Sarkozy à Damas le 3 septembre 2008. (Gérard Cercles-AFP)

(Retrouver l'intégralité de l'enquête dans "le Nouvel Observateur" du 27 octobre 2011)

L’ambiance est tendue, ce 15 juin 2008, quand les émissaires de Nicolas Sarkozy entrent dans le bureau de Bachar al-Assad à Damas. Un mois plus tard, le dictateur, si longtemps persona non grata à Paris, doit assister au défilé du 14-Juillet. Sa présence provoque déjà la polémique.

Afin d’adoucir les critiques, les Français ont mission de lui arracher un geste : la libération d’une poignée de prisonniers politiques malades. Comment lui, que plus personne ne reçoit, pourrait-il regimber ? Pourtant, d’un revers de main, le raïs refuse. "Ce fut un non net et brutal", confie l’un des émissaires élyséens, Boris Boillon, à un diplomate américain. Ce dernier interroge alors le Français : après une telle rebuffade, le président Sarkozy va-t-il annuler l’invitation ? Finalement, non. Boillon, gêné : "Nous ne ferons pas de la question des droits de l’homme une condition."

Sarkozy a couvé l'homme de Damas comme personne

Cette conversation révélée par Wikileaks en apporte une preuve accablante : avec les tyrans arabes, Nicolas Sarkozy s’est renié, abandonnant sans combattre les grands principes brandis pendant la campagne électorale. A sa décharge, avec Moubarak, Ben Ali et Kadhafi, il n’a pas été le seul chef d’Etat occidental à se compromettre. Mais le cas de Bachar al-Assad est différent. C’est le président français – et lui seul – qui a organisé le retour en grâce du Syrien, chef de l’un des pires régimes de la planète, dans la communauté internationale.

Depuis, pendant plus de trois ans, contre l’avis d’une grande partie du Quai d’Orsay, il a couvé l’homme de Damas comme personne, le recevant à plusieurs reprises avec tous les honneurs. En dépit des condamnations d’opposants, des tortures dans les prisons, des massacres.

ENQUÊTE. Sarkozy et son ami Bachar-al-Assad
Répression militaire à Hama le 3 août 2011. (Sipa)

Aujourd’hui Nicolas Sarkozy – dont Assad était encore l’hôte en décembre dernier – n’a pas de mots assez durs pour condamner la répression sanglante en Syrie. Après avoir été le premier à réhabiliter son régime criminel, le président est devenu l’un de ses plus grands pourfendeurs. Comme si cette fermeté affichée servait à masquer ses compromissions et ses naïvetés passées. Comme s’il voulait faire oublier à quel point, pendant trois ans, son ami Bachar l’avait roulé. Il croyait pourtant dur comme fer avoir tout compris de la Syrie.

Tourisme avec Cécilia

En 1997, redevenu simple député pour cause d’alternance, il reçoit une invitation du parti Baas, au pouvoir depuis un demi-siècle. Trois jours d’entretiens avec des apparatchiks, notamment Farouk al-Chareh, alors ministre des Affaires étrangères. Cinq jours de tourisme avec Cécilia aux frais de ses hôtes. A l’issue de son périple, il se croit autorisé à écrire dans son livre "Libre" : "Après trois ans, [l’ambassadeur de France, ndlr] n’en connaissait pas beaucoup plus que nous en huit jours."

Sarkozy repart de l’Orient compliqué avec des idées très simples sur la "tolérance religieuse" et la "fierté syrienne". "Il est revenu avec le syndrome de Lawrence d’Arabie", plaisante l’un de ses anciens collaborateurs.

Coopération sulfureuse sans état d’âme

Quand il redevient ministre de l’Intérieur, en 2005, la France est en guerre diplomatique avec Damas, après l’assassinat attribué aux services syriens de l’ami du président Jacques Chirac, l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri. La Syrie se retrouve au ban de la communauté internationale, à coups de sanctions et d’embargos. L’Elysée veut faire mal au régime d’Al-Assad. Mais sans dépasser certaines limites. La France entend maintenir à tout prix au moins un lien : les échanges entre services dans la lutte antiterroriste.

La DST vient alors d’installer dans la plus grande discrétion son bureau régional à Damas. "Les Syriens nous ont menacés de suspendre la collaboration sécuritaire si nous les mettions à genoux, raconte un bon connaisseur du dossier. Or ils arrêtaient des présumés jihadistes français en route vers l’Irak et nous les renvoyaient après les avoir interrogés à leur manière... On en a récupéré des dizaines comme ça. Il fallait que ça continue."

A l’Intérieur, Nicolas Sarkozy poursuit cette coopération sulfureuse sans état d’âme. Son directeur de cabinet, Claude Guéant, reçoit le tortionnaire en chef du régime, soupçonné d’être l’organisateur du meurtre de Hariri, tout-puissant patron des renseignements militaires, Asef Chaoukat. Une relation particulière s’installe.

CLAUDE GUÉANT PORTE PLAINTE CONTRE L'EXPRESS.FR
Claude Guéant, les Syriens l'adorent. Cet ancien dircteur de la police parle leur langage, celui des moukharat (les services secrets). A Damas, c'est le visiteur du dimanche, l'interlocuteur préféré. Coincidence ? La rupture avec Al-Assad intervient juste après le départ de Guéant de l'Elysée. (c) Reuters

C’est donc tout naturellement en Syrie que, devenu président, Sarkozy veut marquer sa rupture la plus brutale avec l’ère Chirac. Depuis la mort de Hariri, le vieux président est devenu l’ennemi juré de Bachar al-Assad. Cette haine – et la politique d’isolement qui va avec –, Jacques Chirac entend la transmettre à son successeur.

En mai 2007, durant la passation de pouvoir, il organise une rencontre entre Nicolas Sarkozy et le fils de son ami assassiné, Saad Hariri. Le nouvel élu se prête à l’exercice mais, au même moment, charge Claude Guéant de reprendre langue en catimini avec le régime syrien. L’espion Chaoukat étant en disgrâce, le secrétaire général de l’Elysée recourt aux services d’un personnage tout aussi controversé, aujourd’hui mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de Karachi, l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine. "C’est lui qui nous a fait passer le message que la Syrie aimerait reprendre contact avec nous", racontera-t-il plus tard à "Libération".

Nicolas Sarkozy espère tirer des gains mirobolants...

De cette volte-face, Nicolas Sarkozy espère tirer des gains mirobolants. Un soutien crucial à son projet phare Union pour la Méditerranée, un rôle dans le processus dit de paix avec Israël, un éloignement de la Syrie du parrain iranien, la reconnaissance de l’indépendance du Liban et, aussi, bien sûr, quelques gros contrats. En échange, il va accueillir Bachar à bras ouverts. Mieux, le réintroduire dans le concert des nations. Pour le Syrien, c’est inespéré.

Quand la France déroule le tapis rouge devant Kadhafi, en décembre 2007, elle reçoit un homme déjà courtisé par la Terre entière. Assad en revanche est toujours un paria. Pis. Il poursuit en secret un programme nucléaire militaire, à la différence de l’Ubu de Tripoli, qui a renoncé à la bombe. Circonstance aggravante, la France, si sourcilleuse sur ce point à l’égard de l’Iran, ferme les yeux en toute connaissance de cause.

"Dès le début, nous connaissions l’existence de la centrale atomique d’Al-Khibar, avant même qu’elle ne soit, en septembre 2007, bombardée par les Israéliens. La preuve ? Nous avons même donné des photos à l’Agence internationale à l’Energie atomique", confie un haut responsable français. "Malgré tout, ce n’était pas forcément idiot de sortir de la guéguerre de Chirac, qui ne conduisait nulle part. Mais on est allé trop vite, trop loin. On s’est fait avoir", souligne l’un des acteurs de ce rapprochement. "Nous étions très fermes, se défend-on à l’Elysée. Nous savions que la tentation permanente de Bachar, c’était d’empocher et de donner le moins possible. La règle était?: pas de résultat, pas de dialogue." [...]

(Retrouver l'intégralité de l'enquête dans "le Nouvel Observateur" du 27 octobre 2011)

Christophe Boltanski et Vincent Jauvert - Le Nouvel Observateur

Afghanistan: attentat contre l'Otan à Kaboul, 17 tués dont 13 Américains

Au moins 14 personnes, dont dix militaires de l'Otan, essentiellement américains, ont été tués samedi dans un attentat suicide contre un car de la coalition à Kaboul.  (c) Afp Au moins 14 personnes, dont dix militaires de l'Otan, essentiellement américains, ont été tués samedi dans un attentat suicide contre un car de la coalition à Kaboul. (c) Afp

Au moins 17 personnes - cinq militaires et huit employés civils de la force de l'Otan en Afghanistan (Isaf), tous américains, ainsi que quatre Afghans - ont été tués samedi dans un attentat suicide à la voiture contre un car de la coalition à Kaboul, revendiqué par les talibans.

Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière pour la coalition en Afghanistan depuis la mort de 30 militaires américains, dont 25 membres des forces spéciales, dont l'hélicoptère a été abattu mi-août dans la province du Wardak, au sud de Kaboul.

Ce nouvel attentat à Kaboul, censée être placée sous haute sécurité et où les talibans ont multiplié récemment les attaques audacieuses, est un revers supplémentaire pour le gouvernement afghan et ses alliés de l'Otan, à trois ans du départ prévu du pays de l'ensemble des troupes de combat de la coalition et alors que l'insurrection des talibans ne cesse de s'étendre.

"Cinq militaires de l'Isaf et huit employés civils de l'Otan ont été tués dans un attentat suicide à la voiture dans Kaboul", a indiqué l'Isaf dans un communiqué, sans donner plus de précision sur ces civils. L'Isaf avait auparavant annoncé la mort de 13 soldats de la force.

L'Isaf a refusé d'indiquer leur nationalité ou de donner un bilan des blessés dans ses rangs.

A Washington, un haut responsable de la Défense a affirmé à l'AFP que les 13 tués étaient tous des Américains. Le nombre de victimes "peut être amené à évoluer", a-t-il ajouté.

A ce bilan meurtrier viennent s'ajouter les décès de trois militaires australiens de l'Isaf, abattus samedi par un soldat afghan pour des motifs inconnus dans la province méridionale afghane d'Oruzgan.

Ces trois militaires australiens étaient des formateurs de l'armée nationale afghane (ANA), a indiqué à l'AFP le général Abdul Hameed, chef du 205e corps d'armée afghan, déployé dans plusieurs provinces du sud du pays.

Le tireur, qui a également blessé six autres militaires australiens et un militaire afghan avant d'être abattu, appartenait depuis trois ans à l'ANA, selon le général Hameed.

Selon le ministère afghan de l'Intérieur, trois civils et un policier afghans ont également été tués dans l'attentat de Kaboul, perpétré à l'aide d'une voiture piégée sur un axe important, près de l'ex-palais royal de Dar-ul-Aman, détruit pendant la guerre civile des années 1990.

Le directeur de l'hôpital Istiqlal de Kaboul, Mohammad Ali Eshan, a précisé que huit blessés afghans étaient hospitalisés.

Un témoin, interrogé par l'AFP, a décrit "une énorme explosion".

Celle-ci a creusé un cratère sur l'artère principale et projeté le véhicule, apparemment blindé, dans une contre-allée parallèle, séparée par un terre-plein, a constaté un journaliste de l'AFP. La voiture, renversée sur son côté droit au milieu de nombreux débris, était très fortement endommagée et largement calcinée.

Des débris divers s'étalaient sur plus de 500 m à la ronde.

Un photographe de l'AFP a vu deux hélicoptères militaires américains frappés d'une croix rouge atterrir sur les lieux.

Une dizaine de blindés de l'Isaf et deux camions de pompiers étaient déployés sur le site bouclé par la police afghane et par des militaires de la coalition.

Les insurgés talibans, qui combattent le gouvernement de Kaboul et ses alliés de l'Otan depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir fin 2001, ont revendiqué l'attentat dans un SMS envoyé par un de leurs porte-parole habituels à l'AFP.

En mai 2010, un précédent attentat sur la même route de Dar-ul-Aman contre un convoi de l'Otan avait fait 18 morts, dont six soldats de la coalition parmi lesquels cinq Américains.

Les talibans ont également revendiqué un attentat suicide perpétré samedi par une femme kamikaze devant des bureaux de l'agence afghane du renseignement (NDS) à Asadabad, capitale de la province orientale de Kunar.

Deux gardes ont été blessés, selon Wasifullah Wasifi, porte-parole du gouverneur de Kunar, qui a précisé que la femme kamikaze avait péri dans l'explosion.

Les talibans sont très présents dans la province de Kunar, frontalière du Pakistan accusé par Kaboul et Washington d'abriter les bases arrière des insurgés islamistes.

Les attentats suicide menés par des femmes sont extrêmement rares. En juin 2010, les talibans avaient revendiqué pour la première fois publiquement un attentat commis par une kamikaze, contre une patrouille des forces afghanes et américaines, déjà dans la province de Kunar.