08 septembre, 2010

Des terroristes repentis algériens convainquent des émirs d'AQMI de se rendre

Des anciens terroristes se sont récemment exprimés à la radio algérienne pour condamner la violence et soutenir la politique de réconciliation nationale. Plusieurs leaders régionaux d'al-Qaida ont répondu à leur appel.
Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) est désormais confronté à une vague de renoncements de la part de leaders algériens.

Dans un entretien diffusé le 28 août sur Radio Coran, les terroristes repentis Othmane Touati et Samir Sayoud ont demandé aux combattants armés d'al-Qaida d'abandonner le "djihad" en Algérie et de participer à l'effort de réconciliation. Ils ont utilisé les textes des versets du Coran, des hadiths et les fatwas des autorités religieuses pour faire passer leur message.

Cet entretien radiodiffusé faisait suite à une lettre envoyée par Touati, alias Abou El-Abbes, adressée aux "éléments armés restants dans les montagnes".

"Je m'aperçois que la voie que je suivais n'était pas la bonne, en étudiant des fatwas de respectables érudits anciens et modernes traitant de l'illégalité du djihad dans notre pays", a expliqué le fondateur du GSPC, membre du Conseil des notables d'al-Qaida (Majles al-Ayan), et longtemps "bras droit" du leader d'AQMI Abdelmalek Droukdel lors d'une conférence de presse organisée en juillet et consacrée à son communiqué aux terroristes.

Dans les jours qui ont suivi cette diffusion, l'entretien à la radio a atteint le but que cette conférence de presse s'était assigné : la reddition de hauts dignitaires de la mouvance.

Le plus important terroriste incité à renoncer à la violence après avoir entendu cet appel radiodiffusé a été l'émir de 43 ans de la brigade El-Farouk à Tizi Ouzou. Oukad Attia (alias Abou Djendel) s'est rendu aux autorités algériennes après avoir passé quinze ans dans les maquis terroristes du GSPC.

L'impact de cet entretien ne s'est pas limité aux terroristes d'al-Qaida. Belhadj Djelloul (Abou Bilel), des Protecteurs du prêche salafiste (DHDS) dans la province de Tipasa, s'est lui aussi rendu aux services de sécurité algériens le 30 août.

Dans son entretien radiodiffusé, Touati a tenu à rassurer les éventuels combattants repentis sur le processus de reddition.

"Nous ne pensions ni n'imaginions pas que les services de sécurité nous accorderaient un tel traitement. Ils nous ont donné tout ce dont nous avions besoin et tout ce que nous demandions", a-t-il expliqué.

Pour sa part, Samir Sayoud (alias Mosaab Abou Abdellah), qui était en charge des communications pour le GSPC, le précurseur d'al-Qaida au Maghreb islamique, a déclaré à Radio Coran que la majorité des érudits de la nation s'accordaient sur le fait que lever des armes contre d'autres Musulmans n'est pas admissible.

"Nous ne devons pas combattre les Musulmans de quelque manière que ce soit", a déclaré Sayoud.

"Beaucoup d'intellectuels ont renoncé à leurs fatwas concernant la lutte, parce que cela a conduit à la sédition entre Musulmans", a expliqué Sayoud. "Parmi ces intellectuels se trouvent Abdul Kadir ben Abdul Aziz, dans son célèbre ouvrage 'al-Jihad al-Umda fe Iedad al-Uda', Ali al-Khudhair, Nassir al-Fahd et Ahmed al-Khaledi."

"La ferveur religieuse ne se manifeste pas en prenant les armes ; elle s'exprime plutôt par l'indulgence et la modération contre les excès", a-t-il souligné.

Sayoud a conclu cet entretien à la radio en appelant les éléments armés vivant encore dans les montagnes à revenir à la société et à leurs familles. Il leur a également demandé de répondre aux autorités qui ont tendu la main aux combattants, et aux Algériens favorables à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.

Comme Touati, il a félicité les responsables de la sécurité auxquels il s'était rendu. "Ils m'ont traité de la meilleure manière possible, et je n'ai vu que de bonnes choses de leur part", a-t-il déclaré.

Cet appel fait suite à plusieurs autres "révisions" récentes d'anciens leaders terroristes, notamment le fondateur du GSPC Hassan Hattab, qui se fonde sur le Coran et sur les hadiths du Prophète pour condamner les attaques perpétrées en Algérie au nom de l'Islam.

"Quelle loi, quel code moral pourrait justifier cela ?", a demandé Hattab. "Est-ce-là vraiment un djihad qui plairait à Dieu ?"

Hattab s'est repenti pour des actes de terrorisme "qui n'apportent rien à l'Islam ou aux Musulmans", et a fait valoir que le peuple algérien est composé de Musulmans dont il est interdit de faire couler le sang selon les enseignements et les arguments de la charia.

"Toutes les fatwas sont contre nous", a déclaré Hattab.

De nombreux observateurs estiment que ces nouveaux appels de Touati et Sayoud, qui viennent renforcer le message d'Hattab, inciteront encore davantage de combattants armés à se repentir.

"De telles révisions idéologiques et religieuses ouvrent la porte du retour à la société à de nombreux combattants, et les incitent à abandonner l'action armée, car elles sont faites par d'anciens leaders de cette organisation armée", a expliqué Azzi Meroune, responsable d'une unité chargée de la mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.

"Les appels lancés par Hassan Hattab, fondateur du GSPC, et d'autres anciens leaders du groupe ont porté un coup à toutes les justifications de la charia sur lesquelles se fondaient les combattants", a-t-il ajouté. Nombre des fatwas lancées par ces idylles confirment le caractère illégitime du djihad en Algérie et reconnaissent que la voie sur laquelle ces groupes s'étaient engagés est sans issue", a-t-il précisé.

Selon Hocine Boulahia, journaliste spécialisé dans les groupes islamiques, ces appels "ont eu un impact positif chez les combattants" et en ont convaincu plus d'un de se rendre.

La repentance des anciens combattants et la dénonciation de l'action armée minera certainement la direction de l'organisation, a expliqué Mohamed Smiem, spécialiste en affaires islamiques.

"Al-Qaida sera forcée de répondre aux coups portés par les forces de sécurité algériennes, à la rébellion interne de plus en plus forte, et au désir de déposer les armes", a-t-il conclu.