26 juin, 2010

La Fifa avertit la France contre toute ingérence du politique


Le secrétaire général de la Fifa, Jérôme Valcke, a souligné qu'il n'appartenait pas aux pouvoirs publics de s'immiscer dans le fonctionnement du football français. La déroute de l'équipe de France lors du Mondial sud-africain a provoqué des réactions indignées de l'opinion et de la classe politique, incitant l'Elysée à s'emparer du dossier pour réclamer une refonte du football français. (Reuters/Arnd Wiegmann)

"J'ai parlé aux services du ministère des Sports et je leur ai dit de faire très attention", a déclaré le secrétaire général de la Fédération internationale de football Jérôme Valcke lors d'une conférence de presse à Johannesburg.
"Il existe une autonomie du mouvement sportif et il ne peut y avoir d'interférence politique", a ajouté le responsable de la Fifa, qui est lui-même français.
La déroute sportive et extrasportive de l'équipe de France, marquée par l'exclusion de Nicolas Anelka pour insultes à son sélectionneur et le boycott de l'entraînement par les joueurs, a provoqué des réactions indignées de l'opinion et de la classe politique, incitant l'Elysée à s'emparer du dossier pour réclamer une refonte du football français.
Des états généraux doivent être organisés à l'automne, à la demande du président de la République, Nicolas Sarkozy.
La ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot, a dénoncé le comportement de "caïds immatures" au sein de l'équipe et jugé "inéluctable" le départ du président de la Fédération française de football (FFF) Jean-Pierre Escalettes.
Escalettes a refusé de démissionner au soir de la défaite 2-1 contre l'Afrique du Sud, synonyme d'élimination du Mondial mardi dernier. Il a convoqué pour le 2 juillet un conseil fédéral, seule instance habilitée à le révoquer.

LA FIFA REAGIRA
Jérôme Valcke a souligné que la Fifa observerait de près ce qui se passe en France. "Personne ne peut demander à quelqu'un de démissionner. Cette personne est élue. S'il a le sentiment d'avoir échoué, il peut démissionner. Et des élections doivent alors être organisées."
En vertu des règlements de la Fifa, les autorités politiques n'ont aucun droit d'influer sur les affaires de la FFF, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu'à l'exclusion des compétitions internationales.
L'instance suprême du football a ainsi suspendu les fédérations kényane et irakienne après ingérence du gouvernement et Jérôme Valcke a fait savoir qu'il n'y aurait pas d'exception pour la France.
"Ce n'est pas parce que c'est un pays européen que nous aurons une approche différente", a-t-il déclaré. "Ils peuvent se rencontrer, ils peuvent discuter, ils peuvent trouver des moyens de s'assurer que cela ne se reproduira plus, ils peuvent demander des excuses aux différentes personnes impliquées. Mais dès qu'il y aura interférence, la Fifa réagira."
A l'issue de la conférence de presse, Valcke a confié à Reuters que l'entretien entre Nicolas Sarkozy et Thierry Henry à l'Elysée, jeudi, pouvait se comprendre en raison de l'ampleur de la déroute des Bleus au Mondial.
"Le monde a sûrement vu ça comme une mauvaise blague. En France, c'est plutôt une histoire triste. Beaucoup de gens ont le sentiment d'avoir été trahis par ces joueurs."
Mais le pouvoir politique doit connaître les lignes à ne pas franchir, a-t-il ajouté.
"Nos hommes politiques sont suffisamment intelligents. La France est un pays de diplomatie, et je suis certain qu'ils savent jusqu'où ils peuvent aller et ce qu'il faut éviter."

AFFAIRE TAGRO-SORO : Gbagbo, maître du jeu et du temps

Désiré Tagro et Guillaume Soro ne doivent-ils pas démissionner ? Pareille interrogation vaut sans doute son pesant de mystère. Car l’inconnue demeure entière et pour cause. Ces deux poids lourds de la scène politique ivoirienne, pour éclaboussés qu’ils sont, dans cette affaire qui a actuellement cours en Côte d’Ivoire, peuvent choisir de démissionner tout comme ils peuvent opter de rester tout bonnement à leur poste. La chose relève d’une lapalissade sans doute, mais quelle que soit l’attitude qu’ils auront choisie de faire leur, les explications pour la justifier seront celles qui manquent le moins. Car, après tout, on est en Afrique.

Sous d’autres cieux, pareille tempête entraîne illico presto une réaction extrêmement rapide des mis en cause : on démissionne pratiquement à l’instant même. Des réactions fulgurantes se comptent, se sont vues, provenant de politiques sur lesquels pesaient de simples soupçons remettant en cause leur intégrité morale. On se rappelle l’exemple de ce ministre belge rendant le tablier pour payer de sa personne la bavure commise par des policiers rapatriant une ressortissante nigériane à Lagos. Le cas Strauss-Kahn, en la matière, est d’école. Parce que sur lui pesaient des présomptions de malversation, tout ministre qu’il était, il choisit de se délester de son portefeuille ministériel, histoire de permettre à la justice de suivre son cours. Plus tard, lorsqu’il se retrouva blanchi, lavé de tout soupçon, il put réintégrer le ministère qu’il avait volontairement quitté. Plus dramatique, le cas de Pierre Bérégovoy qui choisit la voie du suicide pour calmer la rumeur qui enflait, le concernant.

Alors, Désiré Tagro et Guillaume Soro, lequel des deux démissionnera ? Tous les deux, un seul, ou personne d’entre eux ? On devra attendre pour le savoir. Cela dépendra sans doute de l’éthique personnelle des mis en cause. Car, en la matière, même la justice ne peut pas vraiment se substituer à la morale de l’individu. La procédure engagée suit son cours, inexorablement, et devra produire des résultats. Mais quelque part, on souhaiterait que, comme ailleurs, l’éthique personnelle de ces ministres sur lesquels pèsent de si graves accusations leur inspire de quitter leurs postes respectifs pour permettre à la vérité de pouvoir se faire en toute impartialité.

Mais une fois de plus, on est en Afrique, un continent où généralement, on ne tient pas une parcelle de pouvoir pour la perdre

Bien au contraire, les cas sont légion où on s’accroche coûte que coûte à la branche sur laquelle on est juché, envers et contre tout, jurant que l’on préfère de loin le naufrage collectif à ce qui apparaît comme une défaite personnelle. Et, quelque part, il faut le reconnaître, l’équation de la démission, telle qu’elle est perçue sous nos tropiques, n’est pas toujours facile à résoudre. L’accepter revient presque toujours à se défaire de son manteau de toute puissance pour se revêtir des guenilles de l’impuissance. Et alors, on tombe de haut. Et on est condamné à envisager l’obligation de perdre tout et tous. Pour sans doute repartir de zéro, pour ceux qui en ont encore le courage. La perspective est bien sombre et oblige à y réfléchir par deux fois. Mais en dépit de toutes ces forces contraires, il s’en est trouvé, en Afrique, qui l’ont fait. Poussés sans doute par la grandeur d’âme dont ils étaient dotés, et sans doute aussi par la culture démocratique du pays, car elle y aide grandement.

En temps normal, dans un pays normal, la démission est la chose la plus attendue, pour des questions aussi graves que celles qui se posent dans le cas Tagro et Soro

Reste à savoir, en ce moment, si la Côte d’Ivoire vit une situation normale qui pousse à une réaction à laquelle on devrait s’attendre en toute normalité. Car, l’affaire en cours prend place dans un contexte difficile dans lequel s’imbriquent de manière inextricable, luttes d’influence, querelles de leadership et tout cela dans une atmosphère de pré- campagne pour une présidentielle toujours annoncée et dont, plus que jamais, la date paraît incertaine. D’ailleurs, l’opposition ivoirienne, qui n’a pas su exploiter cette affaire, trouve comme argument, la volonté de Gbagbo de retarder la présidentielle. A supposer que Désiré Tagro et Guillaume Soro pensent qu’ils sont les victimes innocentes de quelque savante machination visant à les anéantir politiquement, pour des raisons supposées ou avouées, il est fort à parier qu’ils ne démissionneront pas. Le faire représenterait pour eux offrir à leurs propres bourreaux la corde qui servira à les pendre. Le simple instinct de survie tout simplement l’interdit. Nul ne court bonnement et de gaieté de cœur à sa propre destruction. Et puis, dans l’histoire récente de l’actuel premier ministre, se trouve un précédent.

Lorsque le président Gbagbo décida de la dissolution du gouvernement précédent, Guillaume Soro avait bien annoncé que la solution à la crise ivoirienne ne passait pas par sa propre démission

Nommé à la suite de l’Accord politique de Ouagadougou, il prétend tirer sa légitimité de cet Accord et non de la volonté de qui que ce soit. Et pour l’affaire présente, lui, autant que le ministre Tagro se disent confiants. Plus, par leur entourage immédiat, on le sait, ils se disent soulagés qu’une procédure officielle se trouve engagée. A tout le moins, elle présente l’avantage d’être plus claire et honnête que les rumeurs de quartiers, autrement plus sournoises et insidieuses. Reste à savoir si ladite procédure cependant les blanchira ou au contraire les ternira. En tout état de cause, dans cette débâcle qui secoue une bonne partie de la classe politique ivoirienne, un homme reste hors de la mêlée, garde la tête hors de l’eau et peut s’assurer dès à présent d’engranger le maximum de bénéfice alors même que certains mondes s’effondrent autour de lui. Plus que jamais, en Côte d’Ivoire, Gbagbo est maître du jeu politique, seul capitaine à bord du navire de la lagune Ebrié. Maître du jeu, il est aussi maître du temps. Et plus que jamais, son chronogramme sera le bon. En cela, il aura fini par convaincre même les plus sceptiques : la présidentielle ivoirienne aura lieu lorsque, lui, le Pater familias l’aura décidé. Pour le moment, nul autre que lui n’en sait ni le temps, ni l’heure.