29 janvier, 2010

Les musulmans consomment de plus en plus halal

Selon une étude de l'Ifop, près de 60% de musulmans achètent systématiquement de la viande abattue rituellement.

En matière religieuse, l'offre crée la demande. Depuis que l'on peut facilement acheter de la viande rituellement abattue, les musulmans en mangent chaque jour plus. Près de 60% d'entre eux achètent systématiquement de la viande confessionnelle à en croire les chiffres d'une enquête inédite conduite par l'Ifop. Ils sont encore 15% à déclarer le faire «la plupart du temps». Au total, les trois-quarts de l'échantillon représentatif de musulmans vivant en France, qu'ils soient étrangers ou Français, affirment se nourrir de viande halal.


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Cette enquête, bien que restreinte, ébauche les contours d'un marché mal connu. Car le halal n'est pas géré par un organisme central et relève au contraire de filières diverses, de multiples certificateurs et d'un réseau de distribution encore artisanal malgré son essor. Ce boom repose largement sur les personnes âgées et spécialement les retraités. Les immigrés de la pre­mière génération, ceux qui pendant des années n'avaient pas mangé halal faute de fournisseur, sont aujourd'hui les premiers clients des produits confessionnels et exotiques. Ils recréent le modèle d'alimentation des pays d'origine, réislamisant les repas. Comme si les concessions du passé n'avaient pas entamé la norme de leur enfance. Chez eux, la coutume rejoint la pratique religieuse, souvent intense.

«Parmi les générations suivantes, les comportements s'individualisent» , explique Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l'Ifop. Les plus croyants achètent évidemment des produits certifiés, exigeant toujours plus de garanties. Mais cette consommation relève aussi du rite identitaire : 44% de ceux qui ne fréquentent jamais la mosquée mangent toujours halal. D'autant que de nombreux snacks halal bon marché ont fleuri partout, concurrençant les fast-food. Moins de la moitié des musulmans de troisième génération dit consommer systématiquement de la viande halal. «Sachant que plus on est jeune, urbain et éduqué moins on prête d'importance à la norme halal», relève le spécialiste de l'Ifop. La région parisienne qui compte plus de catégorie professionnelle supérieure et d'enfants d'immigrés, s'affiche nettement moins adepte de la nourriture confessionnelle. À l'inverse, 84% des personnes déclarent manger halal dans le nord-est du pays et 82% dans le sud-ouest. Une prégnance du halal qui reste à expliquer. Plus la ville est petite, plus l'alimentation est communautaire. Enfin, la consommation varie drastiquement en fonction du pays d'origine.


Montée en puissance des rites identitaires

À mesure que les gammes de produits se développent, les familles achètent des bonbons, des plats cuisinés… et ne sont freinées que par le prix jugé élevé. Et lorsqu'elles n'achètent pas halal, elles prêtent une attention accrue à la composition des produits. Des sites de consommateurs musulmans multiplient les courriers pour exiger des informations détaillées sur les ingrédients, surfant parfois sur des rumeurs. Le porc est partout traqué, comme l'alcool.

Avec la banalisation du halal au foyer, 57% des musulmans interrogés se déclarent gênés lorsqu'ils doivent manger non confessionnel à la cantine, au restaurant ou chez des amis. Les jeunes se montrent plus ouverts mais sont encore 45% à regretter l'absence de plats halal. «On peut se débrouiller en toutes circonstances, il suffit de ne pas prendre de viande par exemple», assure pourtant l'imam de Bordeaux Tariq Oubrou qui prône une pratique «discrète, qui ne sépare pas des autres». Mais le succès de l' halal repose autant sur la religion, la tradition que sur une montée en puissance des rites identitaires, observée plus largement. Quelque 25% des personnes interrogées soutiennent le boycott de «produits de grandes compagnies, américaines par exemple, pour protester contre leurs attitudes ou celle de leur gouvernement vis-à-vis de l'Islam et des pays musulmans» .

-------------------------------------------------------------------------------- Pourquoi certaines femmes portent le voile intégral

Les spécialistes l'affirment : le Coran ne préconise pas de dissimuler le visage des femmes. Celles qui adoptent la burqa espèrent par ce geste se hisser au niveau d'une «élite» religieuse radicale.

Quelques milliers de femmes vivent entièrement dissimulées sous de longs voiles sombres. Un enfermement souvent volontaire qui n'en finit pas de dérouter. La mission a tenté de comprendre comment ce niqab, imposé en Orient, avait conquis des têtes supposées libres chez nous. Après des mois d'auditions, les députés ont acquis la conviction que «cette pratique antéislamique ne présente pas le caractère d'une prescription religieuse, mais participe de l'affirmation radicale de personnalités en quête d'identité, poussées par des mouvements fondamentalistes».



Crédits photo : ASSOCIATED PRESS
Tous les représentants du culte musulman et spécialistes de l'islam auditionnés ont rappelé qu'aucun verset du Coran ne demandait aux femmes de dissimuler leur visage. Juste de «ne montrer que le dehors de leur parure, de rabattre leurs voiles sur leur gorge». Sans racine coranique, le niqab «est une véritable pathologie religieuse», a même jugé le philosophe Abdenour Bidar. Et pourtant, c'est bien au nom de l'islam que ces femmes disent la porter. Car il existe une voix minoritaire qui l'impose, celle du mouvement salafiste qui entend retrouver la splendeur de l'islam par un retour aux sources, à la vie du prophète. Ultrarigoriste, apolitique, mais sectaire, ce courant s'est développé en France ces quinze dernières années. Après les longues barbes, les niqab sont apparus dans les banlieues des grandes agglomérations.


Surenchère religieuse

Des femmes à la recherche d'absolu ont été séduites par cette surenchère religieuse. Si chacune raconte une histoire singulière, toutes «témoignent de conditions de vie dégradées dans certains de nos quartiers», estiment les députés. Du besoin d'une épine dorsale dans une existence marquée par des ruptures. Elles affirment une «recherche de pureté dans la pratique d'un culte plus austère». En écoutant «sur Internet des imams prêcher (…), les jeunes femmes qui s'islamisent en viennent à désirer ou à s'imposer de porter le niqab (…) comme le signe d'une appartenance à une élite, à une avant-garde religieuse appelée à guider la communauté musulmane égarée», selon Samir Amghar, chercheur à l'École des hautes études en sciences sociales. Ces femmes expriment aussi leur dégoût de la société environnante. «L'environnement occidental est considéré comme littéralement impie et appelle une réaction d'autoprotection et d'autodéfense, dont le voile est un moyen. Elles craignent la contagion et se barricadent comme pour échapper à un virus», a analysé Abdenour Bidar.

Au-delà des craintes fantasmées, cette tenue marque une réaction à des pressions sexistes réelles. «Les relations entre les deux sexes au sein de quartiers abritant des populations qui, par ailleurs, connaissent la précarité et en voie parfois de ghettoïsation, se sont gravement dégradées», assure la mission. L'affichage religieux permet d'échapper aux tensions, d'acquérir un statut. «En portant le niqab, d'adolescentes elles deviennent des adultes respectées notamment dans les quartiers populaires», note encore la mission. Le voile intégral serait alors une manifestation extrême de la régression de la condition des femmes dans certains quartiers.


Former des imams

Dans ce contexte, les salafistes ont un «pouvoir d'attraction sur des populations pauvres, toutes prêtes à recevoir des prescriptions pour guider leur comportement». D'ailleurs, «dans les quartiers populaires, lorsqu'on décide de se convertir à l'islam ou de se réislamiser, on le fait bien souvent au contact du salafisme, car c'est la seule offre religieuse qui y reste et qui apparaît comme la plus légitime et la plus authentique, a détaillé Samir Amghar. L'influence croissante de cette doctrine favorise un retour à la superstition et impose des normes à l'ensemble des femmes d'un quartier». Or, assure le rapport, il suffirait d'un imam salafiste pour radicaliser une pratique localement. La mission souligne, une fois encore, l'importance de la formation des imams.